L’Alyah d’antan

Dans ma bonne ville flamande d’Anvers, nous étions une communauté juive vivant en autarcie. Des expatriés sans patrie. La plupart d’entre nous étions nés à Anvers, mais nos parents ou grands-parents venaient d’ailleurs, généralement d’Europe de l’Est.

Les Juifs étaient répartis en trois groupes: les séculiers, les religieux modérés et les ultraorthodoxes.  Les deux premiers de ces groupes étaient résolument sionistes. Il n’y avait en revanche pas de Juifs assimilés, ou alors ils l’étaient tellement, qu’ils n’étaient pas juifs du tout.

Les Juifs d’Anvers se conduisaient en citoyens respectueux de l’Etat, mais ne fréquentaient pas, ou très peu, les non-juifs. La quasi-totalité des enfants étaient scolarisés dans des écoles juives. Leur vie sociale était articulée autour de la judéité: école juive, club sportif juif, mouvement de jeunesse juif, religion juive. Une fois sortis de l’école, ceux qui ne partaient pas pour  Israël entraient dans l’industrie diamantaire, juive, elle aussi.

Les plupart des enfants fréquentaient un des mouvements de jeunesse sionistes. Ceux-ci avaient des sensibilités politiques qui allaient de l’extrême-droite à l’extrême gauche, mais avaient un indépassable horizon commun: l’Alyah. Il s’agissait de former les jeunes de  manière à les préparer à partir pour Israël et s’établir au kibboutz.

Cette conception était la continuation d’un vent nouveau qui soufflait sur les communautés juives à travers le monde depuis le début du siècle, mais qui avait été suspendu par la Shoah. Du point de vue idéologique, il ne s’agissait pas de promouvoir une Alyah tous azimuts, mais de galvaniser explicitement cette jeunesse d’après-guerre qui avait la vie devant elle.

Il s’agissait de bâtir Israël : c’était une affaire de jeunes. Les anciens ce serait pour plus tard. L’Etat d’Israël lui-même était ambivalent par rapport à l’Alyah d’éléments qui pourraient constituer une charge pour une économie encore fragile.

Il fallait inciter les générations montantes de la Diaspora à venir en Israël avant même d’apprendre un métier ou de faire des études. Ces choses-là pourraient être envisagées plus tard, en Israël, tout en travaillant la terre les armes à la main.

Dans ces mouvements de jeunesse on apprenait l’histoire du sionisme et celle de la terre d’Israël. Il fallait faire connaissance avec l’hébreu, intégrer  la géographie et se familiariser avec les codes de l’Etat juif. A l’âge de 15 ans les adolescents devaient prendre une part active dans la direction du mouvement et se déterminer par rapport à l’Alyah. En général cela se résumait à s’engager sur l’honneur à partir au kibboutz  dès la fin de la scolarité, à 18 ans.

Il ne s’agissait pas de projeter l’Alyah dans un futur indéfini en fonction des aléas de la vie. C’était le contraire : il fallait imprimer à sa vie un tournant indépendant de toute contingence,  dès la sortie de l’enfance : décider de « monter »  en Israël, au kibboutz, avant même de savoir en quoi consisterait cette existence juive d’un type nouveau.

Gérard Miller ou la doctrine de la cécité

Gérard Miller est un intellectuel français originaire d’une famille juive polonaise. Il est psychanalyste, professeur des universités et éditorialiste à la télévision.

Miller est un passionné du communisme. Il a adhéré, ou   a été compagnon de route, du « Parti communiste français », de « l’Union des étudiants communistes », du « Parti communiste chinois », du « Mouvement français marxiste-léniniste » et de la «  Gauche prolétarienne ». Aujourd’hui il soutient Jean-Luc Mélenchon, guide spirituel de « La France insoumise », parti islamogauchiste et wokiste.

Il vient de commettre un article dans le journal « Le Monde », où il  condamne les Juifs qui soutiennent Marine Le Pen ou Eric Zemmour, respectivement dirigeants du « Rassemblement National » et de « Reconquête ».

Il est vrai que « Le Rassemblement National » traîne encore ses racines nazies, collaborationnistes et antisémites, malgré les tentatives de dédiabolisation de Marine Le Pen.  Il y a cependant des Juifs qui croient à sa reconversion et qui la soutiennent. Question d’opinion.

Mais il n’y a rien d’analogue chez « Reconquête », parti de droite d’inspiration gaulliste. Aucun patriote français, juif ou pas, ne doit craindre de se retrouver en mauvaise compagnie en soutenant le parti de Zemmour.

Miller dénonce le scandale que serait pour un Juif que de soutenir un de ces partis. Il est permis d’être sceptique quant à la rédemption du « Rassemblement National », mais le fait est que le discours antisémite n’y a plus sa place depuis l’éviction de son fondateur Jean-Marie Le Pen. Les rares militants qui font des réflexions antijuives sont exclus sans ménagements.

En revanche, les dirigeants de « La France Insoumise » fraternisent sans états d’âme avec les antisémites de partis socialistes d’Angleterre ou d’ailleurs. Mélenchon vouait un amour inconditionnel à feu Hugo Chavez, président du Venezuela qui rappelait au monde qui avait tué le Christ.

Mais ce qui est à la fois sérieux et comique dans cette affaire, c’est que « La France Insoumise » puise une grande partie de sa clientèle chez les antisémites des « quartiers », où Miller dit lui-même que « des familles juives sont contraintes de déménager, et où  l’antisionisme a tout d’un antisémitisme à peine voilé.»

Dernièrement une députée Renaissance a même suggéré  la dissolution de « La France insoumise » pour antisémitisme. Les sorties  de Jean-Luc Mélenchon ne peuvent laisser aucun doute à ce sujet.

En conclusion, l’inénarrable Gérard Miller dissuade les Juifs tentés par la droite, mais appelle ses concitoyens à soutenir « La France Insoumise », seul parti politique de France littéralement possédé par l’antisémitisme.

Upcoming Ben-Dror Yemini conference

Dear friends,

As part of the activities of « Cercle des Apprentis Philosophes », I am pleased to invite you for a conference by Ben-Dror Yemini, senior journalist with the leading Hebrew daily Yediot Aharonot.

The event will take place on October 5, 2023 at 19:30 hours at my home. It will  be preceded by a cocktail.

The conference will be held in English.   

Our friend Nelly Soussan will introduce Mr. Ben-Dror Yemini.

The speaker will start with an overview of the “Industry of Lies” (see bio hereunder). He will then address the challenge of doing “Hasbara” in the current context, and also  share with us his thoughts on the internal situation in Israel, and what he foresees for the future.

Ben-Dror Yemini is a jurist, researcher, speaker and a senior journalist with the Hebrew daily Yediot Aharonot. During the last ten years Yemini conducted much  research about the anti-Israeli propaganda. His latest best-seller, “INDUSTRY OF LIES”, was published in many languages. Yemini gives lectures at a lot of leading universities and parliaments. His articles are published in many leading newspapers around the world.

Yemini was a peace activist for many years, he supported all the peace initiatives. Yemini argues that the anti-Israeli propaganda is becoming a real threat to free  thought and to the freedom of speech, and one of the biggest obstacles to reconciliation and peace.

Entrance is free, but the number of seats at my home limited, so it is  imperative to book by email at daniel@danielhorowitz.com or by Whatsapp at +972546438944. You will receive confirmation, as well as address details in the Tel-Aviv area.

Looking forward to see you at the conference,

Daniel Horowitz

Conférence Joël Kotek

Chers amis,

Dans le cadre des activités du « Cercle des Apprentis Philosophes », j’ai le plaisir de vous inviter à mon domicile pour une conférence  par le professeur Joël Kotek   jeudi le 28 septembre 2023 à 19:30 heures.

Joël Kotek est professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles et a enseigné à Sciences-Po Paris. Son impressionnant CV en fait une autorité sur les questions de génocide,  d’antisémitisme et de nationalisme. La conférence se concentrera sur l’idée que l’antisémitisme contemporain et/ou l’antisionisme radical se nourrit d’Est en Ouest de la culpabilité liée à la collaboration. On s’oppose à Israël non pas malgré mais à cause de la Shoah. L’objectif du professeur sera de le démontrer à l’exemple de la Flandre.

L’événement sera précédé d’un cocktail. L’entrée est gratuite, mais le nombre de places à mon domicileétant limité, il faut impérativement réserver par email à daniel@danielhorowitz.com  ou par Whatsapp au numéro +972546438944.  Vous en recevrez confirmation ainsi que le détail de l’adresse dans la région de Tel-Aviv.

A bientôt j’espère,

Daniel Hoowitz

Genèse d’une crise politique

Je soutiens l’opposition à la réforme judiciaire dans sa forme actuelle,  et exprime mon aversion du gouvernement qui la promeut. Je suis opposé à ce gouvernement pour une série de raisons, qui peuvent se résumer en une formule simple : j’estime qu’il n’est pas compatible avec le projet sioniste, et qu’il ne respecte ni la lettre ni l’esprit de la déclaration d’indépendance d’Israël.

Je me sens néanmoins isolé concernant mon point de vue sur la genèse de la crise. Je trouve qu’il y a une manière déloyale, chez les opposants à Netanyahu, d’en escamoter l’origine. Tout se passe comme si leur détestation du personnage justifiait un déni de démocratie, ou pire.

Cela fait une dizaine d’années qu’un cercle vicieux fait des ravages dans la vie politique israélienne. Comme souvent dans ces cas-là, on a tendance à perdre de vue la genèse.

Benjamin Netanyahu a longtemps été soucieux concernant l’indépendance des juges en général, et de la Cour suprême en particulier. C’est Aharon Barak lui-même qui l’a encore relevé récemment. Netanyahu n’a jamais été dupe du caractère prétendument apolitique de la Cour suprême, mais estimait, comme beaucoup de monde, qu’en l’absence de Constitution cela valait mieux que rien. Et puis, soudain, il y a quelques années, il a commencé à se retourner contre le pouvoir judiciaire.

La question est de savoir pourquoi. La réponse simple, mais simpliste, est que c’est parce que cette fois-là c’était lui-même qui était mis en cause. Mais il  va de soi que dans ces cas-là on pense d’abord à soi-même, en particulier quand on n’a rien à se reprocher. C’est en tous cas la position que défend Netanyahu, et le centre de gravité de ma thèse.

Dès le début de la décennie précédente ses adversaires commençaient à désespérer de jamais pouvoir le déloger de manière démocratique. Des forces politiques, médiatiques et judiciaires se sont liguées pour le défaire d’une manière ou d’une autre. Il ne s’agit bien entendu pas d’un complot, mais d’une grogne diffuse qui avait saisi une partie de l’opinion publique, qui commençait à trouver que la démocratie n’avait pas que du bon.

Des moyens inouïs ont été mis en œuvre pour fouiller dans la vie publique et privée de Netanyahu. Intimidation de témoins, interrogatoires musclés et mises sur écoute ont été instrumentalisés sans compter.  Le coût financier de ce feuilleton est astronomique.

Selon le journaliste financier Ely Tsipori, le coût direct des poursuites judiciaires contre  Netanyahu s’élevait à plus de 500 millions de shekel en janvier 2022. Ceci sans compter le coût indirect des élections à répétition et de ses effets toxiques sur l’économie. Un an et demi plus tard nous sommes loin du dénouement.

Ma thèse repose sur un postulat, à savoir que le procès de Netanyahu est une fabrication. Comme toute fabrication de ce type, elle se donne une apparence légaliste. Dès les premières enquêtes s’est formé un front hostile avec pour seul motif que Netanyahu allait être inculpé pour de bonnes raisons. On ne lui reprochait pas sa politique, mais des délits qui restent à ce jour à démontrer.

Lorsque Benny Gantz a décidé de rallier le gouvernement de Netanyahu sous condition de rotation, celui-ci avait fait mine d’accepter, mais s’est ensuite ravisé. Il estimait que cette exigence était un chantage avec pour levier les accusations dont il était l’objet.

Dès que l’opposition a commencé à exiger que Netanyahu se démette, elle l’a fait d’une manière singulière : des ténors du journalisme et de la classe politique n’exigeaient pas qu’il aille en prison, mais qu’il aille à la maison. Bizarrement, personne ne voulait de punition autre que celle de le forcer à la retraite. Cette sorte d’acte manqué démontrait que pas grand-monde ne croyait à ce dont il était accusé, mais beaucoup comptaient sur une procédure longue qui l’écarterait, innocent ou pas.

Dernièrement, les trois juges qui mènent le procès contre Netanyahu  ont eu une réunion avec des représentants du Parquet.  Ils leur ont suggéré de renoncer à l’accusation de corruption, parce qu’ils estimaient que ce serait difficile d’en apporter la preuve. Le chef de la police d’alors a réagi en déclarant à la presse que personne n’avait envisagé que Netanyahu ne démissionnerait pas sous le coup d’une inculpation.  Cela a déclenché une violente réaction du Likoud, dont le porte-parole a estimé que l’inculpation n’avait jamais eu aucune chance de convaincre le tribunal,  mais que l’objectif avait été de  provoquer la démission de Netanyahu.

Le gouvernement Bennett/Lapid était censé offrir une solution à la crise en 2021. La seule certitude de cette parodie était qu’elle n’avait aucune chance de durer. Lors de sa campagne électorale, Naftali Bennett s’était adressé au pays à peu près en ces termes :

« Je ne contribuerai en aucune manière, à aucune condition, à un gouvernement où Lapid serait Premier ministre, parce qu’il s’agit d’un gauchiste. J’exclus la participation du parti Meretz parce qu’il s’oppose au principe d’un Etat juif et démocratique. Je m’engage à ne jamais soutenir de constellation autre qu’un gouvernement ancré à droite. Je mets Netanyahu en demeure de ne pas s’allier avec le parti arabe Ra’am. »

Après les élections Bennett a violé ses propres lignes rouges en arguant que cela avait été le prix pour mettre fin aux élections à répétition et sauver le pays. Mais il n’a ni sauvé le pays ni mis fin aux élections à répétition. Il a au contraire contribué à ce que l’anathémisation de Netanyahu accouche d’un gouvernement d’ultra-droite grâce au soutien de fanatiques ultra-orthodoxes et de voyous fascisants. Le gouvernement Bennet/Lapid a été une farce.

La manœuvre consistant à tenter d’éliminer Netanyahu du pouvoir autrement que par les urnes est un déni de démocratie intolérable. Cela a conduit à un nouveau déni de démocratie par le gouvernement actuel.

Maintenant cette question : si Netanyahu n’avait jamais été poursuivi en justice, en serions-nous là où nous sommes ? Je ne le pense pas. Il me semble même qu’une réforme judiciaire équilibrée aurait vu le jour de manière sereine, sous la conduite d’un gouvernement authentiquement démocratique.

Douce France

Le 10 mai 1940 les nazis envahissaient  la Belgique et mes parents prenaient le premier train en direction de la France. Le bruit  courait que les Allemands arrêtaient les juifs valides pour les envoyer dans des camps de travail au service de l’effort de guerre allemand.  A Lyon les autorités  locales attendaient mes parents pour les placer chez l’habitant. Ils ont été conduits à Albon, petit village niché au cœur des montagnes d’Ardèche. Ils se sont installés chez madame Seauve, qui a accueilli le plus naturellement du monde ce couple de fugitifs coupable d’être juif.

Mon frère est né quelques mois plus tard. La guerre faisait rage, mais Albon continuait à vivre sa vie au gré des saisons et des moissons. C’était un coin de paradis où l’on ne manquait de rien. Mes parents et mon frère n’y ont jamais eu faim ni froid.  Ma mère faisait de la couture, mon père allait à la cueillette et tout le village tricotait pour celui qui allait être mon grand frère mais qui était encore petit. Ils sont restés trois ans, jusqu’à ce que les nazis les forcent à fuir à nouveau, vers la Suisse cette-fois-là.

Je n’ai pas connu cet épisode familial, mais mes parents l’ont tellement évoqué tout au long de mon enfance que je l’ai intériorisé comme si je l’avais vécu. A l’aide des photos qu’ils avaient conservées, je pouvais même me faire une idée du village et de ses personnages, plus vrais que nature. Sans les avoir jamais rencontrés je connaissais le boulanger, le boucher et le docteur, réfugié aussi, celui-là.

La fratrie des Magnan me fascinait. Deux sœurs et un frère, célibataires à vie, qui devaient appartenir à la petite noblesse de campagne  et vivaient dans un manoir à l’écart du village.  Ils semblaient sortir d’un roman avec leur côté balzacien à la fois désuet et digne. Le dimanche était jour de sortie, à l’occasion duquel ils sortaient leur automobile, que monsieur Magnan faisait démarrer à coups de manivelle.

Les Magnan s’étaient donnés pour tâche de s’occuper des réfugiés et s’étaient entichés de mon frère. Quand mes parents venaient leur rendre visite il recevait un jouet ou une friandise. Les Magnan le regardaient avec une tendresse toute aristocratique, et quand mes parents prenaient congé ils se tournaient vers mon frère et disaient « pauvre petit Juif ».

Mais le personnage central de ces années à Albon était madame Seauve, chez qui mes parents ont vécu sans qu’il n’y eût jamais la moindre tension. Cette veuve rivée au terroir était dotée d’une étonnante vision du monde. Son fils était universitaire à Lyon et venait de temps à autre lui apporter des nouvelles de ce monde qui brûlait.

Ma mère m’avait transmis une image de madame Seauve qui n’était ni plus ni moins que celle d’une sainte. Après la guerre, alors que j’avais douze ans et que j’étais en vacances dans la région dans le cadre d’un mouvement de jeunesse, je me suis éclipsé sans demander d’autorisation. Je brûlais de connaitre madame Seauve. J’avais économisé les quelques sous qu’il fallait pour payer l’autobus qui desservait Albon. J’ai débarqué sans crier gare. Madame Seauve m’a hébergé durant une semaine et m’a présenté au village comme si j’étais à la fois un héros et son petit-fils. J’en suis reparti en me disant que tout était conforme à ce que ma mère m’avait transmis, y compris la sainteté de madame Seauve.

Il y quelques jours un ami d’un de mes fils lui transmettait un message de quelqu’un qui cherchait une famille Horowitz qui aurait séjourné à Albon pendant la guerre. Le contact fut établi et rendez-vous  fut pris par vidéo avec mon fils et un fils de mon frère né à Albon, et moi-même.

La personne qui nous cherchait était Jeanne, la propre arrière petite-fille de madame Seauve. Elle est apparue à l’écran, et après quelques mots de bienvenue  nous a révélé qu’elle se trouvait à Albon, dans la maison même où mes parents et mon frère avaient passé trois années paisibles à l’ombre de la guerre. Elle nous a fait visiter par vidéo la maison, et ensuite le village, où nous avons fait connaissance de descendants d’Albonais que mes parents avaient connus.

En 1943, après le départ de mes parents, les Allemands ont commencé à traquer les Juifs de la région pour les expédier à Drancy afin d’être réduits en cendres dans les camps de la mort. C’est cette période que Jeanne cherche à reconstituer maintenant avec Chantal, la secrétaire de mairie,  des historiens et le directeur des archives départementales qui travaille sur les juifs cachés en Ardèche.

Pendant cette heure intense nous avons compris, mon fils, mon neveu et moi-même, que nous venions d’assister à un temps fort.  Cela nous a rappelé ce que cette France profonde a de bon et de beau. A suivre, sûrement.

La question de l’abaya en France

La question de savoir si l’abaya est un signe religieux a été tranchée. La recommandation de la porter vient des mosquées. Les femmes concernées disent elles-mêmes que ce vêtement correspond à une injonction religieuse. Les voix en faveur de l’abaya estiment d’ailleurs que l’interdire est islamophobe. Le corps enseignant quant à lui est contre l’abaya parce que quand un professeur entre en classe il identifie immédiatement les musulmans, ce qui est contraire à la tradition républicaine. Pour contourner cela il faudrait peut-être obliger toutes les filles à porter l’abaya et tous les garçons la djellaba, mais ce n’est peut-être pas  une bonne idée.

Interdire l’abaya à l’école est cohérent avec la laïcité à la française.  Lors de la polémique de 1989 à propos du voile, la notion de laïcité à la française n’était pas claire pour moi. Je pensais qu’il était légitime, au nom de la démocratie, de permettre à toutes les religions d’être prises en compte par l’école. En Belgique, en tous cas, la règle était simple : du moment qu’il y avait trois enfants dont les parents souhaitaient qu’ils aient des cours de religion, il fallait que l’école publique  y pourvoie.

En Israël il y a  des écoles laïques, religieuses, arabes (laïques ou religieuses), bilingues, pour minorités ethniques et pour éléments talentueux. Toutes ces écoles sont publiques.

A ce stade il ne s’agit plus en France de veiller à la paix scolaire en essayant de maitriser les tensions interreligieuses. Il y a cinquante ans il fallait accueillir les immigrés extra-européens  de manière humaine, de comprendre  leurs difficultés, de veiller à ce qu’ils s’assimilent, et que cela se fasse avec pédagogie. Cela réussissait parce que ces immigrés avaient intuitivement conscience qu’ils étaient venus dans un monde nouveau, et que s’ils voulaient que cela se passe bien il fallait en intégrer les règles.  S’approprier, au moins en partie, l’Histoire et les traditions du pays d’accueil.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec plus de deux millions de Juifs de l’Empire russe et d’Europe de l’Est, qui ont immigré aux États-Unis au tournant du 20ème siècle. En moins d’une génération ces millions de faméliques qui avaient fui les pogroms et qui souvent ne connaissaient que le Yiddish et la Torah, sont devenus des Américains de cœur et d’authentiques patriotes.

Aujourd’hui la donne est inversée en France à cause de la démographie. Il y a actuellement deux peuples dans ce pays.  Le plus récent, principalement d’origine africaine et du Moyen Orient, est de culture musulmane. La masse critique est telle qu’il semble légitime à ce peuple de revendiquer sa spécificité . Dans le  téléfilm « Fracture » qui date de 2010,  il y une scène qui illustre ce changement de paradigme: alors que la professeure explique qu’il y a plusieurs religions en France, elle mentionne aussi l’athéisme, qui prône qu’il n’y a pas de Dieu. Les élèves de sa classe, nés en France mais majoritairement musulmans,  semblent admettre qu’il peut y avoir plusieurs manière de s’adresser à Dieu, mais pas de colporter qu’il n’existe pas.

Il y a cinquante ans la professeure, forte de son autorité républicaine,  aurait pu leur  opposer qu’en France c’est comme ça et pas autrement et qu’il fallait s’y faire. Mais aujourd’hui elle peine à convaincre et n’est pas soutenue par sa hiérarchie, qui a peur de faire des vagues. Ces élèves se sentent justifiés d’objecter, puisqu’ils font partie d’un nouveau peuple, en France, qui juge que l’athéisme est un crime.

Donc ce qui naguère relevait du rapport entre Etat et religion est très différent de la tension actuelle. Revendiquer la primauté d’un peuple sur l’autre du seul fait qu’il occupe l’Hexagone depuis plus longtemps devient de moins en moins acceptable, en tout cas pour pour une partie de l’opinion publique.

Netanyahu et l’anti-bibisme

Netanyahu est au pouvoir depuis de longues années. Son bilan ne fait pas l’unanimité, mais on ne le juge généralement pas médiocre non plus. La plupart des observateurs conviennent que la bonne santé de l’économie lui est, au moins en partie, redevable. Concernant le conflit israélo-arabe, il a toujours été prudent et mesuré. Il a appelé à  un Etat palestinien vivant côte-à-côte avec Israël. Le rapprochement avec les Emirats, le Maroc, l’Arabie saoudite et autres régimes naguère hostiles s’est déroulé sous sa gouvernance. Les rapports avec les Etats-Unis ont connu des turbulences lors de la présidence d’Obama, mais celui-ci avait un rapport trouble avec Israël suite à ses liens avec un pasteur antisémite comme mentor.

Cela fait des  années que la classe politique de droite est irritée par la Cour Suprême quand elle retoque des lois pour des raisons plus idéologiques que juridiques. Il est vrai que celle-ci se comporte comme un parti politique, bien que ses juges soient nommés en fonction d’un système opaque. Les gouvernements de ces dernières années en sont  venus à s’abstenir de déposer certains projets de lois, sachant qu’ils ne passeraient pas la censure de la Cour Suprême.

Netanyahu est populaire depuis des décennies et remporte toutes les élections internes de son parti ainsi que la plupart des législatives. A noter que personne ne conteste la régularité de ces scrutins.

Confronté à sa remarquable longévité, un certain agacement  a commencé à se manifester vers 2015, aussi bien parmi ses alliés politiques que ses adversaires. Un pacte informel contre sa personne a vu le jour, visant à le renverser par des moyens  douteux.  Le tout soutenu par des forces politiques, médiatiques et judiciaires, alliés objectifs avec pour seul dénominateur commun l’acharnement à défaire Netanyahu.

De moyens énormes ont été mis en œuvre pour fouiller dans la vie publique et privée de Netanyahu. Il fallait le trainer en justice à tout prix. Intimidation de témoins, interrogatoires musclés et mises sur écoute ont été instrumentalisés sans compter.  Le coût financier de cette curée est astronomique, ceci dans le seul but de créer un climat de nature à forcer Netanyahu à se démettre.

Dernièrement l’accusation de corruption qui faisait partie des charges contre lui a été levée par les trois juges qui mènent son procès. Ils ont informé le Parquet que cette accusation n’était pas tenable. Suite à cela la presse a demandé au chef de la police sur quelle base il avait recommandé d’inculper Netanyahu pour corruption.  Il a répondu que c’était parce qu’il espérait que cela le forcerait à démissionner, sans plus.

Un autre volet  de cette saga juridique est la quantité de cadeaux que Netanyahu a reçus du magnat de cinéma Arnon Milchan sous forme de cigares, champagne et autres gâteries. Cet épisode ne semble pas délictueux non plus, puisqu’il a été établi que l’amitié entre Netanyahu et Milchan était réelle et ancienne.

Quant à l’implication potentielle de Netanyahu dans l’affaire des sous-marins livrés à l’Egypte par l’Allemagne, la justice n’a même pas ouvert d’enquête à son encontre.

Reste la suspicion de connivence entre Netanyahu et le patron de Yediot Aharonot[1], qui n’a débouché sur rien.

Il ressort de tout cela que même s’il se peut que Netanyahu ait eu un comportement contestable au plan éthique, il n’en demeure pas moins qu’il a un casier judiciaire vierge, et au fur et à mesure du temps qui passe il devient de plus en plus probable que son procès ne débouchera pas sur grand-chose.

Ces affaires ont néanmoins conduit des électeurs de droite à soutenir une coalition excluant le Likoud, pourtant principale force politique du pays. Cinq élections successives ont finit par accoucher de deux chimères : en 2021 le gouvernement de Naftali Bennet composé d’islamistes, de gauchistes, de centristes et de sionistes religieux. Ensuite, en 2022, une coalition fabriquée par Netanyahu avec des fanatiques ultraorthodoxes et des fous de Dieu fascistes.

Ceci dit il existe bel et bien dans l’opinion  publique un consensus en faveur d’une réforme judiciaire. Mais celle voulue par le gouvernement actuel a été mal ficelée, mal préparée, mal expliquée et est probablement excessive. La précipitation avec laquelle le gouvernement a voulu la faire adopter par la Knesset est en elle-même suspecte. Il faut savoir qu’elle a été lancée à l’initiative du Likoud, alors que les autres partenaires de la coalition n’y voient qu’une occasion de faire passer des lois sectorielles d’un égotisme écœurant.

La réforme en cours a – entre autres – pour objectif d’instaurer une représentativité plus juste au sein de la Cour suprême en modifiant le mode de nomination des juges. Elle vise à mieux adhérer à l’esprit de la Déclaration d’Indépendance d’Israël en pérennisant sa légitimité en tant qu’Etat juif. Le mode de gouvernement d’Israël est démocratique, mais doit être en phase avec l’Histoire du peuple juif.

La Cour Suprême doit dire le droit et s’abstenir de décréter des valeurs sociétales. L’évolution des mœurs  et la sociologie changeante n’est pas leur affaire. C’est celle du peuple souverain, dont la souveraineté est incarnée par ses représentants à la Knesset. Les juges ne doivent jamais s’y substituer.

La seule résolution digne de cette crise ne peut être qu’une nouvelle coalition entre le Likoud et les formations qui n’ont eu de cesse que de chercher à écarter Netanyahu tout en étant du même bord politique que lui.

A ce stade de la crise  il est légitime de poser aux responsables de la vie politique la question suivante : le combat qu’ils ont mené contre Netanyahu a-t-il été bénéfique pour le peuple d’Israël ?

[1] Quotidien israélien

L’ambassadeur et le cafetier

Ron Prosor est un diplomate, écrivain et chroniqueur israélien. Ancien major de réserve de Tsahal, il fut représentant d’Israël aux Nations-Unies, ambassadeur au Royaume-Uni et est actuellement ambassadeur d’Israël en Allemagne.

Comme tous les ambassadeurs au monde, Ron Prosor s’intéresse au quotidien de ses compatriotes vivant à l’étranger. La semaine dernière il a eu la bonne idée d’aller passer un moment de détente au « Café Dodo » à Berlin, établissement tenu par un Israélien.

Alors que l’ambassadeur était déjà attablé, le vaillant cafetier l’a identifié et interpelé pour lui signifier qu’il n’était pas le bienvenu en ces lieux[1]. Une des raisons avancées était que l’ambassadeur incarnait la politique du gouvernement d’Israël. L’excellent cafetier ignorait sans doute que la mission d’un diplomate consistait précisément à représenter son gouvernement quand il était en mission à travers le monde.

Mais l’intrépide   cafetier en voulait aussi à l’ambassadeur d’avoir accusé le Bundestag[2] et la presse locale d’être laxiste par rapport à l’antisémitisme qui sévit en Allemagne sous couvert d’antisionisme. L’on comprend sans peine l’honnête cafetier, qui avait bien raison de s’indigner de ce qu’un vil représentant de l’Etat juif se permette d’insinuer qu’il y aurait de l’antisémitisme dans le pays berceau du nazisme, dont la Croix Gammée ne fut en tout et pour tout l’emblème qu’une dizaine d’années.

Il s’agit donc d’une scène en Allemagne au cours de laquelle un Juif expulse un autre Juif de son café parce qu’il représente des millions de Juifs du pays dont il est lui-même citoyen.

Du point de vue légal il s’agit probablement d’une infraction relevant d’un refus de vente discriminatoire. Mais ce qui est bien plus important, c’est que cet incident a une portée scientifique non négligeable.  En effet, il y a un siècle, Albert Einstein, Juif allemand,  avançait  ceci: « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine.  Mais en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore la certitude absolue ».

Au moins une partie de cette proposition est-elle désormais démontrée grâce au brave cafetier berlinois.

[1] https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1690528600-l-ambassadeur-d-israel-en-allemagne-refoule-d-un-cafe-tenu-par-un-israelien-a-berlin

[2] Parlement allemand

Intelligence artificielle et conscience.

Le « cogito ergum sum » – je pense donc je suis – de Descartes est une certitude qui ne peut être révoquée en aucune manière par celui-là même  qui l’exprime. L’homme qui pense, pour autant qu’il soit doué de raison, ne peut nier ni même douter qu’il pense et donc qu’il est. Penser, c’est  se questionner sur son existence, réfléchir sur sa place dans le monde et sur le sens de sa vie.  Penser et être ne sont en fait qu’une seule et même chose chez l’être humain. La certitude d’être précède et conditionne toutes les autres certitudes du point de vue méthodologique. Quant à la matière, on ne peut exclure que son existence ne soit, littéralement,  qu’une vue de l’esprit.

Le  matérialisme, en revanche,  postule qu’il n’y a au monde rien d’autre que de la matière, ou en tous cas que tout est physique. Vu sous cet angle, la pensée ne serait pas indépendante de la matière, mais en serait au contraire une manifestation assez récente dans l’histoire du monde. La pensée humaine  aurait émergé au fil d’une évolution darwinienne s’étalant sur des milliards d’années, comme un des effets de la complexification du vivant. L’homo sapiens ne serait que l’aboutissement d’un processus biologique qui, partant de microorganismes unicellulaires, aurait fini par produire la pensée,  de la même manière qu’il a fini par produire le corps humain lui-même.

Des ordinateurs infiniment plus puissants que ceux d’aujourd’hui pourraient donc, du moins en théorie, produire elles aussi de la pensée, en émulant de manière artificielle l’action des synapses entre neurones et cellules nerveuses. Un enchainement de milliards de milliards  de « 1 » et de « 0 » se métamorphoseraient ainsi en pensée animant des robots ou des androïdes aptes à aimer, détester, souffrir, jouir, désirer,  distinguer entre le bien et le mal, produire de l’art, tuer et craindre la mort.

Ces machines pourraient donc, tout comme Descartes, dire « je pense donc je suis  ».  Cela poserait un défi éthique, puisqu’il serait interdit, au nom du droit des machines, de les peiner, de les humilier, de les torturer ou de les détruire. Leur existence bénéficierait ainsi du même caractère d’intangibilité que la vie humaine.  Nous serions solidaires de ces machines et elles seraient solidaires de nous. Ne pas leur venir en aide en cas de panne logicielle constituerait un délit de non-assistance à machine en danger. Elles seraient en revanche justiciables tout comme nous sur base d’un code pénal, peut-être adapté, mais similaire dans son principe au nôtre. Elles seraient même soumises à l’impôt en tant qu’individus à part entière disposant de revenus et de biens.

Mais il y a une impasse logique dans cette représentation, parce qu’elle suppose que le mécanisme de décision de la machine serait démontrable, ce qui est l’antithèse du concept de libre arbitre, lui-même indissociable de la pensée humaine. Autrement dit, si l’on pouvait remonter à ce qui fait que la machine pense nécessairement d’une certaine manière et pas d’une autre, révélerait qu’elle n’est pas libre. Ceci parce que la pensée humaine relève d’une intentionnalité liée à la conscience de soi, or une intention s’inscrivant dans une chaine causale ne saurait par définition être libre. L’hypothèse d’une pensée déterminée est donc une contradiction dans les termes et constitue une proposition antinomique.

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