Worthalter ou le faux courage

L’excellent Arieh Worthalter, lauréat 2024 du César du meilleur acteur, a de nouveau frappé. Après avoir condamné la riposte d’Israël contre le Hamas suite à ce qu’il appelle « l’événement » du 7 octobre, cet impénitent tartuffe vient de signer avec plus de 500 artistes belges un appel au boycott des institutions culturelles israéliennes. Mais contrairement à beaucoup de signataires, Worthalter n’a pas pour lui l’excuse de l’ignorance, étant donné qu’il  a grandi dans la tradition juive au sein d’une famille sioniste notoire.

Le concept de « haine de soi » a été théorisé en 1930 par le philosophe autrichien Theodor Lessing dans Der jüdische Selbsthass (La Haine de soi juive). Il utilisait ce terme pour décrire l’attitude de certains juifs, qui en réaction à l’antisémitisme rejetaient leur  identité en adoptant un discours proche de celui des antisémites. C’est ce que font aujourd’hui les Juifs qui expriment une hostilité à l’égard d’Israël sous la pression du conformisme ambiant.

Il y a encore toujours des Juifs qui ont honte des éléments constitutifs de leur identité et qui souhaitent se rendre indistincts dans la grisaille de l’air du temps. Ces Juifs-là sont atteints d’un désir pathologique d’assimilation et adoptent des postures antisémites dans le but de se faire admettre là où le soutien à Israël constitue un obstacle pour leur avancement.

Ces Juifs sont sujets a une crainte atavique des stigmates associés à l’identité juive au cours de l’Histoire. Ils présentent leur rejet comme une forme de courage alors que ce n’est en réalité qu’une sujétion au contexte sociétal.  Ils s’associent ainsi à l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme dans l’espoir de se rendre acceptables. Mais aux yeux de ceux-là mêmes qu’ils veulent séduire, ils n’arrivent souvent qu’à apparaitre comme méprisables. Il est vrai que de nos jours le vrai courage consiste plutôt à prendre la défense d’Israël que de joindre sa voix à celle d’une populace islamogauchiste décérébrée.

Le ralliement de Juifs à l’antisionisme relève d’une quête de reconnaissance sociale. En prenant une position hostile à Israël ils cherchent à se distancier de stéréotypes négatifs associés à leur identité et à faire partie de milieux où un antisionisme revendiqué est un gage de bonnes mœurs.

Il est vrai que la haine de soi a  parfois pour origine une souffrance personnelle qui pousse ces Juifs à renier leur identité, vécue comme encombrante. Mais comme cela a pour conséquence de délégitimer Israël et d’inciter à l’antisémitisme, il faut choisir entre les plaindre et les condamner.

Démocratie ou dictature des minorités

La démocratie repose sur un équilibre précaire entre État et libertés fondamentales. Ces dernières peuvent être compromises par une gouvernance molle qui laisse des factions imposer leur loi dans l’espace public.

Il y a quelque temps, un match de football Belgique – Israël a été annulé par les autorités belges au motif que les tensions liées au conflit israélo-palestinien risquaient de dégénérer en affrontement lors de la rencontre. Cette mesure soulève la question de savoir sur base de quels critères le pouvoir peut légitimement s’opposer à un événement populaire, pacifique et apolitique au nom de l’ordre public. Quoi qu’il en soit, le fait est qu’en annulant cette compétition sportive les autorités ont commis un déni de démocratie sous la pression d’agitateurs antisémites qui n’ont que faire de l’État de droit. Un pouvoir qui se laisse ainsi intimider par une populace fanatique et déchainée mais minoritaire ouvre la voie à l’anarchie. Le match en question a du être reprogrammé en Hongrie, Etat dont les  bien-pensants pensent qu’il n’est pas démocratique. Cherchez l’erreur.

Une conférence devait se tenir  à la Fnac en région bruxelloise à l’occasion de la sortie d’un ouvrage intitulé Allah n’a rien à faire dans ma classe. Des islamogauchistes ont menacé les auteurs de l’ouvrage et le personnel du magasin. Les responsables de la Fnac ont choisi d’annuler l’événement, et on peut les comprendre, car ni les autorités ni la classe politique ne sont intervenues pour garantir de pied ferme la sécurité des auteurs et la tenue en bon ordre de la conférence. Il s’avère donc qu’une nébuleuse d’islamistes liés à la gauche radicale peut impunément s’ériger en arbitre de ce qui peut ou ne peut pas être exprimé sur la place publique.

En Australie, l’ancienne ministre israélienne de la Justice Ayelet Shaked s’est vue refuser sa demande de visa pour l’Australie en raison de ses idées concernant un éventuel État palestinien. La décision du gouvernement d’exclure cette personnalité, en tous points respectable, sur base de ses opinions, témoigne d’une dérive d’un pouvoir qui a perdu sa colonne vertébrale face à l’islamogauchisme conquérant. Le ministère en charge de l’affaire a estimé « qu’après étude approfondie, la demande de visa de Ayelet Shaked était rejetée au motif que cette dernière aurait pu « diffamer » une partie de la société australienne et « alimenter un conflit » au sein de la communauté ». On se demande quelle peut bien être cette « partie de la société australienne ».

Il y a une semaine la cheffe de la police de Berlin a recommandé aux Juifs, aux homosexuels et aux cyclistes de faire preuve de prudence dans les quartiers où vivent de nombreux Arabes sympathisants du terrorisme qui braillent un antisémitisme décomplexé. Les autorités jugent donc plus pratique d’écarter les victimes que d’enfermer les délinquants.

Les exemples se multiplient, et à chaque fois il s’en dégage un relent inquiétant pour les démocraties occidentales. Si elles ne se ressaisissent  pas à bref délai elles risquent de perdre leur âme. L’espace public ne saurait être abandonné à une dictature de minorités liberticides qui aspirent à instaurer un ordre wokiste.

Trump Prix Nobel de la Paix 2026

Dans un communiqué inattendu de l’Académie Nobel, Donald Trump, président des États-Unis, vient d’être désigné lauréat du Prix Nobel de la Paix 2026.

« L’approche audacieuse et inédite du président Trump pour résoudre les conflits au Moyen-Orient et en Europe de l’Est a ouvert des perspectives nouvelles pour la paix mondiale », a déclaré un membre du Comité Nobel à Oslo après l’annonce.

Revenu au pouvoir en 2025 après un mandat d’interruption, Trump avait repris les rênes d’une Amérique divisée, d’un monde polarisé et d’une diplomatie embourbée. Deux ans plus tard, il a orchestré des avancées historiques dans des conflits apparemment insolubles, marquant ainsi un tournant dans la diplomatie à l’échelle du monde entier.

Un État palestinien démilitarisé a vu le jour en Cisjordanie et à Gaza, tandis qu’Israël a intégré à l’intérieur de ses frontières les principaux blocs d’implantations de Judée-Samarie. Le statut de réfugié palestinien a été abrogé, et une nouvelle élite palestinienne a acté la fin d’un siècle de violences. La normalisation des relations entre Israël et le monde arabe s’est généralisée. En Iran, la chute du régime après l’anéantissement  de ses installations  nucléaires a conduit à l’instauration d’une démocratie pro-occidentale dirigée par Reza Pahlavi, fils du dernier Shah.

Ces bouleversements ont également entraîné le départ d’acteurs politiques de premier plan. Sous la pression de Trump, Benjamin Netanyahu a dissous la Knesset, s’est retiré de la vie publique, et les poursuites judiciaires contre lui se sont mystérieusement éteintes. En Ukraine, Volodymyr Zelensky a perdu le soutien populaire et celui de Trump suite à son refus de céder le Donbass et la Crimée à la Russie. Il est retourné à son métier d’amuseur, mais son successeur a adopté le plan Trump et signé un traité de paix avec Vladimir Poutine.

L’incapacité et l’inertie de l’ONU et de l’Union Européenne ont été mises en lumière à cette occasion. Loin de soutenir les initiatives de paix de Trump, ces institutions prisonnières de leurs bureaucratie et de leurs divisions ont même tenté de torpiller ses efforts. Le Conseil de Sécurité est resté paralysé par des rivalités entre grandes puissances, tandis que l’Union européenne, incompétente sur les questions stratégiques, a critiqué les méthodes jugées brutales du président américain.

Trump, personnage controversé et imprévisible, a bousculé les protocoles diplomatiques au moyen d’un style foudroyant, là où des décennies d’approches traditionnelles avaient échoué.

« Il a redéfini les règles de la diplomatie et mis fin aux négociations interminables », affirme un expert en géopolitique.

Aujourd’hui, une paix fragile mais tangible règne entre Israël et la Palestine. L’Ukraine et la Russie sont pacifiés. Alors qu’il n’a même pas encore quitté la scène politique en cette année de grâce 2026, Trump est déjà entré dans l’Histoire.

Kibboutz et Proudhon, même combat ?

Pierre-Joseph Proudhon est un philosophe, économiste et sociologue français du XIXe siècle, qui développe un modèle économique mutualiste. Ce système propose de remplacer le capitalisme par des entreprises organisées en associations de salariés, dans lesquelles les travailleurs sont collectivement propriétaires et détiennent les moyens de production. Cela suppose une archipélisation des entreprises à travers le pays, entre lesquelles existent des liens contractuels non hiérarchisés. L’égalité économique entre travailleurs garantit la liberté individuelle. Chacun contribue selon ses capacités et reçoit en fonction de ses besoins. Les membres de l’entreprise prennent collectivement et collégialement part aux décisions qui l’engage.  Ce modèle coopérativiste prévient la création de fortune personnelle et préserve l’égalité économique ainsi que la liberté individuelle.  Chaque salarié est rétribué de manière équitable et personne n’est exploité. Cette solidarité horizontale fait que nul ne peut s’enrichir aux dépens d’autrui.  Le mutualisme de Proudhon vise une réussite économique par des moyens éthiques.

Le kibboutz est une communauté collectiviste dont le modèle économique a des points communs avec le mutualisme de Proudhon.

Le kibboutz appartient à ses membres.  Ceux-ci se partagent les responsabilités, le travail et les ressources. La contribution de chacun est évaluée en fonction des efforts consentis et non pas de la productivité.

Tous les membres participent à la gestion du kibboutz. Les décisions, y compris celles concernant la vie privée, sont délibérées en assemblée générale où chaque membre dispose d’une voix. Il n’y a au kibboutz aucune possibilité d’accumulation de fortune personnel. Les profits de l’activité commerciale ou industrielle du kibboutz appartiennent à la communauté et sont redistribués en fonction des besoins de chacun.

Le kibboutz est inextricablement lié à l’histoire du mouvement de libération national du peuple juif du vingtième siècle.  Y adhérer a consisté dans un premier temps  à contribuer à l’édification d’un Etat où le travail de la terre avait une charge éminemment symbolique. Les kibboutzim ont construit les infrastructures de l’Etat en devenir.  Ils ont contribué à la défense d’Israël et à la formation des élites.

Vivre au kibboutz requiert un engagement où le bien commun prévaut sur l’épanouissement personnel. Ce choix va de pair avec un don de soi dont la finalité est la patrie. Dans l’imaginaire israélien le modèle du kibboutz est devenu une référence par sa capacité à créer du lien social au delà des particularismes d’une nation faite d’immigrants venus des quatre coins du monde.

Mais contrairement au mutualisme de Proudhon, le kibboutz n’a jamais eu pour vocation d’étendre son paradigme à l’échelle du pays. Il ne s’agissait pas de démontrer l’efficacité, voire la viabilité, du modèle collectiviste en matière d’économie.  Le kibboutz a au contraire été dès le début partie prenante d’un Etat inspiré des démocraties occidentales, conformément au désir des pères fondateurs.

C’est ainsi qu’au delà des similitudes entre kibboutz et mutualisme, il faut comprendre que les finalités diffèrent. Dans la mesure où le mutualisme est consenti par ses participants il n’y a rien à objecter, parce qu’il s’agit de la liberté d’entreprendre. Mais il existe aussi une liberté à ne pas se lier à une entreprise où l’excellence personnelle se noie dans la masse impersonnelle de l’entreprise. Par ailleurs il y a des entrepreneurs solitaires dont les projets ne peuvent être réalisés que moyennant l’apport de capital et des contraintes que cela implique. Enfin l’ambition de se faire valoir au moyen du talent, voire du génie, doit pouvoir se déployer en dehors de toute contrainte communautaire.

A cela il faut ajouter que le paradigme du kibboutz est de fait un échec du point de vue économique. Les trois-quarts des kibboutzim ont été privatisés, partiellement ou en totalité. Certains sont toujours animés par l’esprit pionnier, mais sans illusions sur le bien fondé économique de l’entreprise. Cela ne remet pas en question la grandeur de l’épopée du kibboutz, dont la vision a été essentielle pour la mise en œuvre du projet sioniste. Il se peut même que l’Etat d’Israël  n’aurait jamais vu le jour sans ces rêveurs d’agriculture sur sol ingrat.

Quant au mutualisme proudhonien, son implémentation à l’échelle d’un pays en guise d’alternative au capitalisme reste à démontrer.

L’Iran et Daniel Barenboïm

Richard Wagner, compositeur allemand du XIXe siècle, a  marqué la musique de son époque et  contribué à son  tournant vers la modernité.

Mais Wagner fut aussi un écrivain, un poète et un essayiste antisémite. Dans son pamphlet Les Juifs dans la Musique, il prônait la « déjudaïsation » de l’Allemagne, affirmant que les Juifs corrompaient la culture européenne. C’est donc tout naturellement qu’Hitler en fit l’un des symboles du Troisième Reich.

En 2001 le chef d’orchestre Daniel Barenboïm se prépare à donner un concert à Tel-Aviv. Dans son programme il prévoit un morceau de Wagner. Mais bien que Wagner figure au répertoire un peu partout au monde, une convention tacite veut qu’en Israël l’on s’abstienne de le jouer en raison de la prégnance de la Shoah dans la mémoire collective.

Confronté à de vives critiques, Barenboïm s’incline et retire le morceau de son  programme.  Mais le jour dit, en fin de concert, au bout de quelques rappels, il prévient le public qu’il jouera Wagner en bis, invitant implicitement ceux que cela pourrait troubler à sortir.  S’ensuivent de violents  accrochages verbaux entre ceux qui se sentent piégés et les librexpressionistes à tous crins. Finalement l’orchestre entonne l’Ouverture de Tristan et Isolde[1] devant une salle aux trois-quarts vide.

Quinze ans plus tard la chancelière d’Allemagne Angela Merkel s’apprête à faire une visite officielle en Iran. Elle invite Barenboïm et l’orchestre d’Etat de Berlin à se joindre à la délégation. Barenboïm accepte sans hésiter. Pourtant il s’agit de diriger un concert à Téhéran – capitale mondiale de l’antisémitisme contemporain – sous bannière allemande – ce qui n’est pas anodin non plus – devant des notables des Gardiens de la Révolution Islamique, dont l’objectif déclaré est de commettre une nouvelle Shoah.

Malheureusement pour Barenboïm, les autorités iraniennes rejettent sa participation aux festivités et lui refusent l’entrée au territoire parce que juif. Mesure incompréhensible et injuste, parce que  non seulement Barenboïm n’a pas choisi d’être juif,  mais cet immense artiste est depuis 2012 citoyen d’honneur de Palestine.

En 1938, lorsque le Premier ministre britannique Neville Chamberlain cède aux exigences d’Hitler à Munich sous couvert d’éviter la guerre, Winston Churchill lui lance « vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre ».

« Vehamévin yavin », dit-on  en hébreu (והמבין יבין). Littéralement :  « et celui qui comprend, comprendra ». Expression talmudique qui consiste à envoyer un message délibérément imprécis, que le lecteur doit chercher à éclaircir pour en saisir le sens profond.

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[1] Opéra de Wagner créé en 1865 au théâtre royal de la Cour de Bavière à Munich.

Gaza ou l’irresponsabilité collective

Après la défaite de l’Allemagne nazie, le pays dévasté a été scindé en deux États placés sous tutelle. Des millions de réfugiés allemands d’Europe de l’Est ont dû être rapatriés dans leur patrie en ruines. Les bombardements des infrastructures militaires et économiques ont précipité la chute des nazis en démoralisant une population affamée. L’Allemagne a été démilitarisée et occupée pendant des années, jusqu’à ce que les Alliés jugent qu’elle pouvait être réintégrée comme démocratie dans le concert des nations.

Le nazisme a entraîné la mort de centaines de milliers de civils allemands. Avant de venir à bout des nazis les Alliés n’ont pas cherché à négocier, et après la guerre ont tout fait pour empêcher une résurgence du régime, notamment en faisant un travail de mémoire. L’Allemagne a été contrainte de payer des réparations considérables à des millions de victimes. Même 80 ans plus tard cette obligation demeure à charge du contribuable allemand.

Il est important de distinguer entre responsabilité collective et individuelle. Il était moralement justifié d’attribuer une responsabilité collective aux Allemands à cette époque, sans pour autant incriminer chaque individu en particulier ou justifier des punitions collectives. Cela signifie qu’il fallait reconnaître que la population allemande dans son ensemble avait soutenu un régime génocidaire tant qu’il prospérait. Bien qu’il y eut des opposants, cela n’invalide en rien la réalité d’une dynamique criminelle et suicidaire d’une société qui avait perdu ses repères.

Hannah Arendt[1] relève que dans la controverse morale sur les crimes nazis on oublie presque toujours que ce qui pose le vrai problème moral, ce n’est pas le comportement des nazis, mais la conduite de ceux qui se sont seulement alignés sans agir par conviction. Ce qui est peut-être plus effrayant encore, c’est la collaboration banalisée de toutes les couches de la société[2].

En appliquant cela au massacre du 7 octobre cela donne ceci : dans la controverse morale sur les crimes du Hamas on oublie presque toujours que ce qui pose le vrai problème moral, ce n’est pas le comportement du Hamas, mais la conduite de ceux qui se sont seulement alignés sans agir par conviction. Ce qui est peut-être plus effrayant encore, c’est la collaboration banalisée de toutes les couches de la société avec le Hamas.

L’équivalence entre djihadisme et nazisme est manifeste. Dans les deux cas il s’agit d’idéologies totalitaires et conquérantes : le califat pour les djihadistes et l’empire aryen pour les nazis. La stratégie est la même, à savoir la terreur, le génocide et la centralité de l’antisémitisme; la Shoah théorisée dans Mein Kampf et la guerre aux Juifs sacralisée dans le Coran.

Eva Illouz[3] rappelle dans un ouvrage récent la concordance entre Frères musulmans et nazisme : Hassan Al-Banna, par exemple, fondateur du mouvement des Frères musulmans [le Hamas] en Égypte en 1928, vouait une telle admiration à Hitler qu’il traduisit Mein Kampf par Mon Jihad. Une des affinités entre le nazisme et l’idéologie des Frères musulmans, toujours présente et active dans le Hamas contemporain, est l’intention d’éliminer tous les Juifs, dans le Moyen-Orient, et si possible dans le monde entier. Le Hamas est l’héritier direct de cette nébuleuse religieuse, nazie, nationaliste et anti-impérialiste[4]

Les Gazaouis ne sont pas irréprochables face au déluge de feu qui s’est abattu sur eux après le 7 octobre, tout comme les Allemands ne l’étaient pas face à la riposte des Alliés. La quasi-totalité des Gazaouis, y compris femmes et enfants, nourrit une incommensurable haine des Juifs et aspire à leur extermination. Tout comme  la quasi-totalité des Allemands des années 1940.

Le Président d’Israël s’en est expliqué lors d’une conférence de presse : « …il existe un Etat [Gaza] qui a construit une machine du mal à nos portes. C’est toute la nation [de Gaza] qui en responsable. La rhétorique selon laquelle les civils ne sont ni conscients ni impliqués est un mensonge absolu ».

Denis Charbit[5], intellectuel israélien intelligent et attachant, termine son dernier ouvrage en date en disant je reste un sioniste intranquille. Et je demeurerai tel aussi longtemps que dure la présence militaire israélienne en Cisjordanie, tant que les habitants de Gaza continuent de souffrir[6].

Les Israéliens aspirent à la paix. Certains Palestiniens aussi.  Mais tant que les nouveaux nazis ne seront pas mis hors d’état de nuire les bonnes volontés se fracasseront contre la bête immonde.

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[1] Politologue, philosophe et journaliste juive allemande décédée en 1975.

[2] « Questions de philosophie morale », Editions Payot, 2024.

[3] Sociologue et universitaire franco-israélienne, Directrice d’études à l’EHESS.

[4] « Le 8-octobre : Généalogie d’une haine vertueuse »,  Gallimard 2024

[5] Professeur de sciences politiques à l’université ouverte d’Israël.

[6] « Israël, l’impossible Etat normal », Calman Levy, 2024

Survol de Platon

La Philosophie

La philosophie émerge en Grèce et en Asie Mineure vers le VIème siècle avant J.-C. Bien qu’elle ne soit pas apparue ex nihilo, la pensée rationnelle et méthodique qu’est la philosophie est une innovation propre aux Grecs. Ce qui la distingue des traditions religieuses ou mythologiques d’autres civilisations, c’est que dès le début les philosophes ont cherché à expliquer le monde en ayant recours à la raison. La philosophie est une discipline intellectuelle qui se distingue des systèmes ésotériques et peut s’appliquer à  tous les aspects de l’entendement humain.

Platon

Platon est un philosophe grec du IVème siècle av. J.-C, considéré comme le penseur emblématique de l’idéalisme philosophique. Il est aussi le fondateur de l’Académie[1], l’archétype des universités occidentales, qui a perduré près d’un millénaire à Athènes.  On y enseignait la philosophie, les mathématiques, l’astronomie, la politique et les sciences naturelles. L’objectif de l’Académie était de former les élites de la Cité.

La plupart des textes de Platon ont été rédigés sous forme de dialogues.  Le style est clair et d’une remarquable qualité littéraire. Au cours de ces dialogues les protagonistes cherchent à cerner la Vérité, avec la plupart du temps pour personnage central Socrate, le maître de Platon. Ils abordent les questions les plus fondamentales de la condition humaine, souvent de manière apparemment simple, mais qui, de réplique en réplique, ramène les interlocuteurs à l’essentiel.

« Le Banquet » de Platon est caractéristique de cette méthode. Au cours d’un dîner organisé par le poète Agathon à Athènes, chaque convive est invité à s’exprimer sur l’Amour. Quand arrive le tour d’Aristophane[2], il avance qu’à l’origine les humains étaient des créatures rondes à deux têtes, quatre bras, quatre jambes et deux organes sexuels. Ces êtres étaient parfaits, mais défiaient les dieux. Pour les punir, Zeus, le dieu suprême, décide de les séparer en deux moitiés. Depuis lors chaque être humain est à la recherche de sa « moitié » pour retrouver sa complétude.

Il y a une ressemblance manifeste entre cette fable et l’une des versions qui relate la création de l’Homme dans la Torah:

וַיִּבְרָא אֱלֹהִים אֶת־הָאָדָם בְּצַלְמוֹ בְּצֶלֶם אֱלֹהִים בָּרָא אֹתוֹ זָכָר וּנְקֵבָה בָּרָא אֹתָם

« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa.[3] ».

Un commentaire rabbinique[4] en déduit que l’homme originel a été créé par Dieu avec deux faces, un côté masculin et un côté féminin, avant d’être séparé en deux êtres distincts.

רַבִּי יִרְמְיָה בֶּן אֶלְעָזָר אָמַר: בְּשָׁעָה שֶׁבָּרָא הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא אֶת אָדָם הָרִאשׁוֹן, אַנְדְּרוֹגִינוֹס בְּרָאוֹ, הֲדָא הוּא דִּכְתִיב  זָכָר וּנְקֵבָה בְּרָאָם

En dépit des apparences, il n’y a probablement pas de lien entre le récit d’Aristophane et celui de la Torah, parce que tous deux  renvoient à des mythes universels qui remontent à l’aube de l’humanité.

Le dualisme ontologique

Pour Platon il y a deux mondes. Le monde sensible, que nous percevons à travers nos sens, et le Monde des Idées, accessible uniquement par l’intellect parce qu’il se situe en dehors du temps et de l’espace. Le Monde des Idées est comparable à un moule qui serait le modèle de toute chose matérielle. Chaque objet n’est donc qu’un décalque renvoyant au Monde des Idées.

Par exemple, l’Idée du cercle est un ensemble de points équidistants d’un centre. Mais un anneau, ou même un cercle dessiné par un compas, n’est jamais qu’une approximation du cercle idéal. S’il n’y avait pas de monde sensible, s’il n’y avait pas d’Univers, cela n’empêcherait pas l’Idée du cercle d’être. Autrement dit l’Idée du cercle n’a pas besoin de support matériel.

Pour Platon l’Idée du Bien est la source de toute connaissance et peut être vue comme un principe divin à l’origine du monde. Dans un de ses derniers dialogues[5] Platon explique que le monde était initialement un chaos (Χάος) une masse informe avant que le Démiurge, sorte de dieu architecte, n’intervienne pour mettre de l’ordre (κόσμος) en l’aménageant sur le modèle du Monde des Idées. Là aussi il y a une ressemblance frappante avec la cosmogonie[6] de la Torah. Le récit de la Création dans la Genèse[7] parle d’un chaos précosmique, le Tohu-bohu (ְוְהָאָ֗רֶץ הָיְתָ֥ה תֹ֙הוּ֙ וָבֹ֔הוּ וְחֹ֖שֶׁךְ עַל־פְּנֵ֣י תְה֑וֹםּ), avant que Dieu ne donne de consistance  à l’Univers.

Le platonisme a longtemps dominé la pensée occidentale. Nietzsche disait que Le christianisme, c’est le platonisme du pauvre[8] (Das Christentum ist Platonismus für’s Volk.). On retrouve en effet dans la théologie chrétienne la distinction entre monde sensible et Monde des Idées sous forme de Monde Terrestre et Monde Céleste. C’est d’ailleurs ce qu’exprime Jésus en disant à Ponce Pilate « mon Royaume n’est pas de ce monde »[9].

Autre similitude, Platon enseigne que le corps est le tombeau de l’âme[10] à savoir une entrave à la pureté spirituelle. Dans le sillage de Platon, le christianisme met en garde contre les tentations de la chair qui perturbent la vie contemplative. C’est ainsi qu’avant de se tourner vers le peuple pour lui annoncer l’Evangile, Jésus jeûne pendant quarante jours en guise de rite de purification[11]. C’est  sur ce modèle que l’Eglise valorise l’ascèse. Il est vrai que Moïse jeûne lui aussi pendant quarante jours avant de recevoir la Torah[12],  mais il s’agit d’une préparation pour un événement unique, et ne doit pas inciter le peuple à l’ascèse.

Le monisme

Il existait à l’époque de Platon un courant moniste[13], dont l’atomisme de Démocrite[14], que l’on pourrait qualifier de libertaire dans une perspective moderne[15].

Pour Démocrite, l’univers est fait de particules qui se combinent de manière aléatoire, ce qui explique la diversité des phénomènes naturels. Il n’y a donc ni transcendance ni téléologie chez Démocrite, ce qui rend le monde dénué de sens et le Ciel vide. Il préconisait en conséquence une vie ataraxique, sans religion, loin de la Cité et sans craindre de la mort. Épicure, Lucrèce, Spinoza, Schopenhauer et Nietzsche s’inscrivent dans cette filiation. Épicure, en particulier, a formulé à  partir de la pensée de Démocrite une philosophie de la vie.

Aussi bien chez Platon que chez Epicure, il s’agit de renoncer à la vanité du monde, mais il y a une différence quant à la finalité. Chez Platon les citoyens sont au service de la Cité et rien ne doit jamais viser l’accomplissement personnel. L’épicurisme, en revanche, aspire au bonheur individuel et à la sérénité. Il prône une vie qui pourvoit aux désirs naturels et nécessaires et a pour valeur suprême l’amitié.

Les divergences entre Démocrite et Platon étaient profondes. Platon aurait même envisagé de faire brûler les écrits de Démocrite en raison de leur matérialisme radical. C’est dans ce sens que leur opposition peut être résumée à une confrontation entre matérialisme et idéalisme.

La Philosophie politique

Selon Platon, la seule vérité à laquelle l’homme est tenu d’aspirer est contenue dans la philosophie, puisque celle-ci  est fondée sur la raison. C’est dans ce sens que le mal n’existe pas et ne peut qu’être l’effet de l’ignorance. Maïmonide reprend cette idée dans le Guide des Perplexes[16], où il réfute la notion de mal comme force active. Pour Maïmonide, tout comme pour Platon et Aristote, seul le Bien existe, dans le même sens que l’obscurité n’existe pas : elle n’est qu’absence de lumière.

Platon développe sa vision politique dans La République, ensemble de dialogues répartis sur dix livres.  C’est là que se trouve la fameuse Allégorie de la Caverne, introduction au dualisme ontologique.

Il s’agit d’un dialogue où le narrateur imagine des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne, qui ne voient que le mur qu’ils ont en face d’eux. Hors de leur champ de vision il y a un feu qui projette sur ce mur les ombres d’objets agités par des personnages dissimulés. Les prisonniers prennent ces ombres pour la réalité. Un jour, l’un d’eux se libère de ses chaines. Il se dirige vers la lumière et découvre le feu et les personnages qui l’alimentent. Ensuite il sort au grand jour, et bien qu’ébloui par le soleil il s’adapte peu à peu et prend conscience du fait que les ombres de la caverne n’étaient pas la vérité du monde. Elles en étaient, littéralement, l’ombre

La caverne représente le monde où les hommes sont limités par ce que leurs sens leur révèlent. Les chaînes symbolisent l’ignorance, tandis que les ombres représentent ce que les hommes prennent pour la réalité. Le prisonnier libéré incarne le philosophe qui découvre le monde Idéal en sortant de la caverne. L’ayant trouvé, il retourne sur ses pas et prend sur lui de montrer la voie aux prisonniers, peut-être au péril de sa vie. Il y a une analogie frappante entre cette scène mythique et l’épisode de la Torah au cours duquel le prophète Moïse redescend du Mont Sinaï pour apporter la Loi au peuple Juif.

Platon compare la Cité à un navire. Le capitaine doit être sélectionné pour son expertise et sa sagesse, et non pas pour sa popularité auprès de l’équipage.  Dans le même ordre d’idées, la Cité doit être dirigée par un roi-philosophe, seul à posséder les qualités requises pour une gouvernance éclairée.

L’autorité du roi-philosophe doit être absolue. Ce qui importe le plus c’est qu’il n’y ait personne, ni homme ni femme, qui échappe à l’autorité d’un chef et qu’en temps de paix comme en temps de guerre, tout le monde le suive et se laisse gouverner par lui, jusque dans les plus petites choses[17].

La classe dirigeante  peut  mentir quand il s’agit de l’intérêt de l’État. Ce type de mensonge est réputé « noble » : si celui qui a l’autorité ment pour le bien de la cité, en trompant ses ennemis ou ses concitoyens dans l’intérêt de la communauté, on peut dire qu’il agit correctement ; tandis que si un citoyen en particulier ment à l’autorité, nous dirons que cela constitue une faute[18].

Maïmonide, qui connaissait Platon à travers Aristote: la Torah invite le commun des mortels à croire certaines choses dont la croyance est nécessaire pour la bonne marche de la société, comme par exemple que Dieu est irrité contre ceux qui lui désobéissent, et qu’il faut donc le craindre, le respecter et s’abstenir de le contrarier[19]. Il faut distinguer entre croyances “vraies” et croyances “nécessaires”[20]. Afin que la foi des gens simples se maintienne, la Torah permet qu’ils observent les Commandements dans l’espoir d’une récompense et s’abstiennent de pécher par crainte de la punition [21].

La classe dirigeante doit vivre en communauté, n’avoir ni propriété privée ni famille pour éviter les conflits d’intérêts.

La Cité doit exercer un contrôle strict sur  l’éducation des enfants.  L’art et la poésie sont mal vus parce que ces disciplines cultivent les émotions au lieu de la raison[22]. Les plaisirs des sens sont à proscrire : L’âme pense mieux lorsqu’elle n’est troublée ni par la vue, ni par l’ouïe, ni par là douleur, ni par la volupté[23]

La Cité doit garantir la pureté de la race dans les classes dirigeantes. Seuls les citoyens physiquement et moralement parfaits sont autorisés  à  se reproduire et les mariages doivent être arrangés en fonction de critères eugéniques. Les enfants doivent être élevés en collectivité et ne peuvent jamais connaître leurs parents biologiques.

La Cité doit sur s’aligner sur le Destin, qui lui-même relève du Monde des Idées.  Les lois naturelles, morales et sociales sont consubstantielles au Cosmos[24] et ne peuvent être modifiées. C’est le sens des tragédies grecques qui mettent en scène les violations de l’ordre cosmique par les hommes. Ceux en proie à l’Hubris[25] qui tentent de défier le Destin doivent en payer le prix.

La conception élitiste de Platon de la chose publique peut être comprise comme préfasciste. Karl Popper[26] rendait Platon responsable du stalinisme et du nazisme en démontrant qu’il avait fondé une idéologie de société fermée et anti-démocratique[27].

La Démocratie

« L’apologie de Socrate » est un dialogue où Platon rapporte le procès de son maître. Ce texte est exceptionnel par sa qualité littéraire et son intensité dramatique. Platon y relate de quelle manière Socrate se défend de l’accusation de corrompre la jeunesse en l’incitant au doute philosophique. Le tribunal lui reproche aussi de vouloir introduire de nouvelles divinités dans la Cité[28].  Mais Socrate est déterminé; il  fait preuve d’une intégrité morale et d’une honnêteté intellectuelle inébranlable. Au cours du procès, ses disciples craignent pour sa vie et l’adjurent de tout faire pour obtenir la clémence des jurés. Mais Socrate choisit de mourir plutôt que de renier ses convictions. Bien qu’il trouve la sentence injuste, il n’essaie pas d’y échapper.  Dès lors que le procès s’est déroulé de manière régulière il estime qu’il est de son devoir, en tant que citoyen,  de s’y soumettre.

Après avoir vu son maître condamné à mort par un système où la majorité est la mesure de toute chose, Platon conclut que la démocratie n’est ni juste ni rationnelle, parce qu’elle est sujette à l’inconstance des citoyens. L’idée que la  gouvernance puisse être dépendante d’une opinion majoritaire est une mauvaise conception de l’égalité. Cela met le peuple à la merci de démagogues qui au moyen de la rhétorique finissent par conduire la Cité à l’anarchie.

Dans un passage du dialogue  Gorgias [29], Socrate demande à un sophiste de définir ce qu’est la rhétorique. Celui-ci répond qu’il s’agit de l’art de convaincre. Poussé dans ces retranchements, le sophiste finit par admettre qu’il s’agit d’un procédé et non pas d’une démonstration. Socrate en conclut que la rhétorique ne contribue pas à la recherche de la vérité.

Considérons ce passage de « La République » où Platon critique « l’insatiable désir de liberté » suscité par la démocratie[30]. Il est saisissant d’actualité par sa mise en garde contre un usage excessif de liberté sous pression de l’air du temps. C’est la porte ouverte au relativisme juridique et à la dévalorisation des normes :

N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin, l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ? Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s’indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. Eh bien ! C’est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie. Ainsi, l’excès de liberté aboutit à un excès de servitude, et dans l’individu, et dans l’État.

Bien qu’à notre époque la technologie permette de sonder l’opinion publique de manière quasi instantanée, il faut avoir à l’esprit que les tendances fortes de la société ne sont ni forcement éthiques ni forcement raisonnables ni forcement durables. L’opinion majoritaire ne saurait constituer la boussole de la Loi.

Le référendum, forme de démocratie directe, peut être utile pour vérifier si le pouvoir en place est en phase avec le peuple, mais le recours à ce type de consultation ne doit  jamais tourner au plébiscite.

Tocqueville[31] met dans en garde contre l’idée selon laquelle la majorité serait du côté de l’intérêt général ou de la justice ; autrement dit contre ce qu’il appelait la « tyrannie de la majorité » : Lorsqu’un homme ou un parti souffre d’une injustice, à qui voulez-vous qu’il s’adresse ? A l’opinion publique ? C’est elle qui forme la majorité. Au corps législatif ? Il représente la majorité et lui obéit aveuglément ; au pouvoir exécutif ? Il est nommé par la majorité. A la force publique ? Elle n’est autre chose que la majorité sous les armes[32].

La succession

Aristote, disciple de Platon, s’est distancié de l’utopisme de son maître et a développé une pensée plus en phase avec le réel. Sa doctrine du juste milieu prônait un système combinant monarchie, aristocratie et démocratie. Il soutenait l’initiative individuelle et considérait que l’épanouissement personnel était essentiel au bien commun.

La fresque du peintre Raphaël « L’École d’Athènes » qui se trouve au Vatican montre Platon avec le doigt levé vers le ciel, désignant le Monde des Idées, et Aristote, la main dirigée vers la terre, symbolisant le monde des hommes, le seul que nous pouvons connaître un peu.

**

[1] Référence au lieu-dit ou fut crée l’école de Platon. Akademos est le nom  d’un héros de la mythologie grecque.

[2] Poète comique et dramaturge grec contemporain de Platon.

[3] Genèse 1:27

[4] Bereshit Rabba 8:1

[5] Le Timée, dialogue de Platon où il est question de l’origine de l’univers, de l’homme et de la société.

[6] Récit mythologique qui décrit ou explique la formation du Monde.

[7] Genèse 1:2

[8] « Par-delà bien et mal », publié en 1886.

[9] Evangile selon Saint-Jean 18:36

[10] Dialogue « Phédon »

[11] Matthieu 4:2

[12] Exode 34:28

[13] Doctrine qui contrairement au dualisme postule que le monde peut être réduit à un principe unique.

[14] Philosophe grec contemporain de Platon.  Matérialiste en raison de sa conception de l’Univers.

[15] Vision de la société où la liberté individuelle prime, où l’Etat peut être remis en question.

[16] Le titre en français est « Guide des Egarés », mais le « Guide for the Perplexed » en anglais est peut-être plus conforme à l’intention de Maïmonide.  L’original est en arabe.

[17] « La République », Livre V.

[18] « La République », Livre III.

[19] Maïmonide, Guide des égarés, livre III, Chap. 28.

[20] Idem.

[21] Exégèse de la Mishna, Traité Sanhedrin, Chapitre Helek.

[22] Georges Leroux, professeur de philosophie et écrivain québécois.

[23] Dialogue « Phédon ».

[24] Cosmos signifie ordre  en grec.

[25] Sentiment d’orgueil qui pousse à la démesure. L’orgueil qui précède la chute.

[26] Philosophe des sciences du XXe siècle.

Démocrite dénonce le traitement inhumain des esclaves:

[27] Ibid

[28] Socrate invoquait le Daemon, voix intérieure qui lui inspirait son jugement

[29] Dialogue de Platon au cours duquel Socrate débat avec trois sophistes.

[30] République VIII, 5562 b.

[31] Ecrivain, historien, académicien, philosophe et homme politique français.

[32] « De la démocratie en Amérique » chap. VIII.

Macron, frère du Liban

Le Président Macron, en difficulté manifeste dans son propre pays, essaie maintenant de se donner une stature internationale en soutenant la guerre lancée par le Liban contre Israël  il y a 76 ans.

Galvanisés par l’odeur du sang du 7 octobre, les Libanais envoient depuis ce massacre un déluge d’engins de mort sur la Galilée. Plus de 70.000 Israéliens se sont vus contraints, la mort dans l’âme,  de quitter leur coin de paradis, devenu un coin d’enfer.

Il y a quelques jours un haut dignitaire libanais a été éliminé par Tsahal au moyen d’un tir ciblé. Ce monstre était responsable de nombreuses tueries, dont l’assassinat à Beyrouth de 58 militaires français en 1983. Distrait comme il est, on ne sait pas si Macron a envoyé des condoléances aux proches, mais on peut l’imaginer. On peut tout imaginer avec cet homme sans foi ni loi, qui plaint les Libanais des dégâts qu’ils subissent par l’effet boomerang de leur pathologie antisémite. Belle illustration de cette histoire de l’enfant qui tue ses parents et qui demande ensuite au tribunal la clémence au titre d’orphelin.

Macron adjure  les responsables libanais de rechercher la voie diplomatique pour obtenir un permis de tuer à condition qu’on empêche les Juifs de se défendre. Il assure les libanais, criminels ou pas, de ses  sentiments fraternels.

Il estime peut-être que la guerre n’est pas inéluctable, dans ce sens que si les Juifs disparaissaient le conflit n’aurait plus  d’objet. Mais là aussi il se trompe : on peut parfaitement en vouloir aux Juifs après les avoir tués. Il y a six millions de preuves.

C’est l’affaire des Français que de supporter un Président impopulaire, incompétent, toxique, narcissique et bête à mourir. Mais quand il refuse de se joindre à une manifestation contre l’antisémitisme, quand il interdit à des Israéliens la participation au Salon de la Défense à Paris et quand il soutient le Liban dans sa rage d’éradication d’Israël, alors cela devient l’affaire des Juifs.

De tous les Juifs, et même de ceux qui ne le sont pas. De tout le monde, en somme.

Le droit de manifester : un privilège pour certains. Par Sacha Horowitz

Les démocraties libérales, ou supposées telles, ont connu de curieux développements depuis plusieurs décennies en matière du droit de manifester. Certaines causes bénéficient  de largesses suspicieusement généreuses de la part des gouvernements, tandis que d’autres, tout aussi paisibles, sinon plus, sont sévèrement limitées, critiquées et parfois sanctionnées.

Pourquoi deux poids, deux mesures ? Probablement parce que certaines causes correspondent à l’idéologie des élites, et d’autres leur sont opposées. Le rapport avec l’état de droit est inexistant, il s’agit d’opportunisme et de partis pris.

Comparons deux événements majeurs des années Covid en Amérique du Nord : les manifestations et les émeutes suite à la mort de George Floyd et le mouvement des camionneurs canadiens.

Lors de la crise du Covid, le gouvernement canadien a décidé qu’il serait interdit aux camionneurs de traverser la frontière sans se faire vacciner. Cela en prétendant sans la moindre preuve que les vaccins empêcheront de faire circuler le virus, et en sachant que limiter le trafic de cette manière pénalisera l’économie. Les camionneurs ont protesté en bloquant certains axes routiers, arguant que chacun est libre de choisir d’appliquer un traitement médical ou de s’en abstenir.

Le gouvernement à riposté en gelant les comptes bancaires non seulement des manifestants, mais aussi des personnes ayant fait des dons importants. Le gouvernement canadien a invoqué la loi sur les mesures d’urgence, une loi datant de 1988, qui étendait les mesures prises en temps de guerre à toute situation jugée « urgente » par les élus. Cela, en soi, indique la direction dans laquelle ont évolué les démocraties postmodernes.

La loi sur les mesures de guerre avait été invoquée en 1970 pour permettre de libérer les otages pris par le Front de Libération du Québec, groupe séparatiste violent. Trudeau a cru bon d’utiliser la nouvelle loi, plus malléable, contre ceux qui bloquaient les routes pour s’opposer à une décision médico-politique dont le fondement scientifique était douteux .

À titre de comparaison, faisons un petit détour par les Etats-Unis. Après la mort de George Floyd, les manifestations Black Lives Matter, et les émeutes en particulier, ont fait 1 à 2 milliards de dollars de dégâts, avec 15 à 25 millions de participants. Une vingtaine de personnes sont décédées à cause des violences. Des bâtiments publics ont été incendiés, parfois en sachant que cela mettait en danger la vie de policiers. Aucune mesure financière n’a été prise contre BLM, leurs donateurs, ou leurs manifestants.

Les « convois de la liberté » canadiens ont eu selon les estimations des médias de 5000 à 18000 manifestants, et il n’y a eu pratiquement aucune violence, ni aucun dégât. Dans les deux cas cela s’est passé pendant la crise du Covid. Pour BLM, on a considéré qu’il fallait renoncer aux mesures Covid interdisant de se rassembler, alors qu’on avait annoncé que c’était essentiel pour « sauver des vies ».

Tout cela illustre comment un gouvernement occidental d’aujourd’hui peut utiliser une loi d’urgence prévue à l’origine pour la guerre dès qu’il annonce que la “sécurité nationale” est en jeu. Or, on sait que ce terme est une couverture pour la sécurité politique et idéologique du pouvoir en place. C’est aussi une manière détournée de désigner quelles manifestations sont approuvées ou indésirables.

De plus, il n’y a pas que les gouvernements qui peuvent restreindre les libertés. Des multinationales peuvent introduire des mesures plus ou moins arbitraires plus facilement que des gouvernements – mais parfois en connivence avec eux.  Cela se passe de mille-et-une manières, de manière sournoise, sans nécessiter de mécanismes de coordination explicites, puisque les acteurs partagent une même vision du monde politiquement correcte et craignent eux-mêmes d’être “canceled” par des hordes sur les réseaux sociaux ou leurs collègues s’ils ne marchent pas au pas.

Les grands réseaux sociaux ont ainsi un rôle particulièrement pernicieux puisqu’ils peuvent diminuer la visibilité de certaines idées en se servant de l’opacité de leurs algorithmes. Des banques décident parfois de geler le compte de certains clients dont l’activité politique ou médiatique ne plaît pas aux patrons.

Il n’existe pas aujourd’hui de mouvement social ou de courant politique influent capable de s’opposer efficacement à cette tendance. Les partis populistes dans différents pays occidentaux constituent une tentative de résistance. Or, étant en marge du système, ils sont torpillés par les médias et l’appareil d’État, complices de la problématique décrite plus haut.

Sacha Horowitz

Quelques idées pour l’avenir d’Israël

1        Le Président

Un régime présidentiel sera instauré. Le président aura les prérogatives d’un premier ministre, mais sera inamovible pendant la durée de son mandat, qui durera 6 ans. Il ne pourra exercer plus de deux mandats, qu’ils soient consécutifs ou non.  L’élection du Président se fera au suffrage universel à un tour. Il combinera les fonctions de chef d’État et celle de chef du gouvernement. Il aura le pouvoir de dissoudre le Parlement.

2        La Cour Suprême

L’essence de la Cour Suprême est d’être garante de la démocratie et de faire barrage à des abus éventuels.  Mais au fil du temps l’absence de Constitution a eu pour effet  de faire dévier la Cour Suprême de sa vocation première.  La prépondérance du conservatisme dans l’opinion publique  l’a conduite à se comporter comme une opposition progressiste. Par conséquent, aussi longtemps qu’il n’y aura pas de Constitution, les juges devront être nommés ou élus en fonction de leur sensibilité politique pour mettre fin à la fiction d’une neutralité imaginaire.

3       Tsahal

Il sera mis fin à l’exemption de service militaire pour raison idéologique, philosophique  ou religieuse. Il y aura cependant des exceptions pour les objecteurs de conscience. Ceux-ci feront l’objet d’examens concernant leurs convictions. En tout état de cause  les réfractaires au service militaire seront pénalisés au plan économique et social, certainement aussi longtemps qu’Israël sera en guerre ouverte ou larvée.

4        La Loi électorale

Le pays sera divisé en circonscriptions. Dans chacune d’elle des partis pourront présenter une liste de candidats à la Knesset.  Les électeurs  pourront indiquer leur préférence parmi les candidats de la liste qu’ils soutiennent.  Le seuil minimal pour chaque liste sera de 5 % dans chaque circonscription. Le vote sera obligatoire. Les élections se feront à un tour tous les  4 ans.

Les statuts des partis politiques devront être conformes à la « Déclaration universelle des droits de l’homme ». Aucun parti ne pourra avoir dans son règlement interne d’exclusion a priori de qui que ce soit.

5        Religion et Laïcité

L’Etat Israël est une république de tradition juive mais n’a pas de religion d’Etat. La vie publique doit être séculière. Il sera mis fin au monopole du rabbinat concernant ses prérogatives relatives au droit familial.

Les différents systèmes d’éducation auront l’obligation d’inclure dans leur programme un enseignement scientifique et culturel similaire à celui qui est prodigué dans les autres démocraties occidentales, de manière à préparer la jeunesse à son insertion dans la communauté nationale.

Le Ministère de l’Education prescrira la transmission des grands textes du judaïsme à tous les niveaux du système scolaire. Le sionisme fera partie du récit national.  Les communautés arabes, druzes, tcherkesses ou autres seront libres de dispenser un enseignement conforme à leurs traditions, mais dans le respect du caractère juif de l’Etat d’Israël.

6        Légitimité d’Israël

La légitimité éthique et juridique de l’Etat d’Israël a pour fondement le sionisme initié par Theodor Herzl. Cette légitimité a été ratifiée par la communauté internationale suite à la Déclaration Balfour[1], la Conférence de San Remo[2], la Commission Peel[3], la Résolution 181 de l’Onu[4], la Déclaration d’Indépendance[5], l’admission d’Israël aux Nations-Unies[6] et sa reconnaissance par la plupart des pays du monde. L’Etat d’Israël est l’aboutissement du projet sioniste sur base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

7        La Loi du Retour

La  Loi du Retour[7]  a pour vocation d’accueillir tout Juif désirant s’établir en Israël. Par cette disposition l’Etat d’Israël s’engage à accorder la citoyenneté et la résidence à tout Juif désirant immigrer, quelle qu’en soit la raison. La définition de « Juif » telle que formulée dans la Loi du Retour repose sur l’ascendance, mais l’Alyah  sera ouverte à toute personne exprimant le désir de partager la destinée du peuple juif. Le soin de déterminer qui est éligible à l’Alyah sera confié à un organisme d’Etat qui en décidera sur base d’une approche multifactorielle.

Il y a plusieurs communautés reconnues par le Ministère de l’Intérieur en Israël.  L’Etat donnera la possibilité à tout citoyen de changer de communauté pour s’intégrer à celle à laquelle il souhaite appartenir. Cette possibilité existe déjà dans une certaine mesure, mais elle passe par une conversion religieuse. Un volet séculier sera ajouté permettant la transition d’une communauté à l’autre.

8        L’Etat palestinien

Jusqu’en 1967 la Jordanie et la Cisjordanie ne formaient qu’un seul Etat. L’Etat d’Israël s’emploiera à rétablir cette configuration, tout en tenant compte des changements sur le terrain survenus depuis. Cela consistera à diviser la Cisjordanie en deux territoires en fonction de la sociologie des populations concernées. La partie majoritairement palestinienne retournera à la Jordanie et la partie majoritairement juive sera intégrée à Israël. Ni la plupart des Palestiniens ni la plupart des Juifs n’auront à se déplacer. Une frontière internationale serait convenue entre Israël et la Jordanie. Ce sera la fin du statut d’apatride des Palestiniens, qui redeviendront citoyens jordaniens comme ils l’étaient jusqu’en 1967.

9       Gaza

La bande de Gaza est souveraine depuis qu’Israël a quitté ce territoire en 2005. Malheureusement les Gazaouis ont considéré que la fin de l’occupation israélienne était une incitation à la guerre plutôt qu’à la paix, mais ils en ont payé le prix depuis. Le jour où cette population renoncera à l’aspiration à éradiquer l’Etat d’Israël, celui-ci ne s’opposera pas à ce que Gaza se constitue en Etat indépendant ou qu’il fusionne avec la Jordanie ou l’Egypte. Quoi qu’il en soit, l’avenir de Gaza est l’affaire des Palestiniens.

10  L’absence de Constitution

L’Etat d’Israël n’a pas de Constitution, bien qu’à sa fondation le gouvernement avait prévu une Assemblée constituante. Plusieurs obstacles ont rendu problématique la rédaction d’un Constitution, notamment l’opposition entre laïques et religieux et la spécificité de la minorité arabe. Depuis lors la Knesset a adopté des Lois Fondamentales comme cadre juridique. Celles-ci  n’ont pas la rigidité d’une Constitution et peuvent être amendées ou annulées de manière relativement simple. A noter que certaines démocraties occidentales n’ont pas de Constitution non plus, au lieu de quoi c’est essentiellement la jurisprudence qui fonde le droit. Israël pourrait s’en tenir à cette formule.

[1] Lettre ouverte signée par Arthur Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, adressée à Lionel Walter Rothschild. Par cette lettre le Royaume-Uni se déclare en faveur de l’établissement en Palestine d’un projet national pour le peuple juif.

[2] Conférence internationale en avril 1920  a déterminé l’attribution des mandats de la Société des Nations, pour l’administration de trois territoires anciennement ottomans, dont  la Palestine.

[3] Commission d’enquête britannique en 1936 afin de proposer des modifications au mandat britannique en Palestine.

[4] Le plan de partage de la Palestine approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU novembre 1947.

[5] La déclaration d’indépendance de l’État d’Israël au 14 mai 1948, dernier jour du mandat britannique sur la Palestine.

[6] L’Etat d’Israël est devenu le 59ème membre de l’Organisation des Nations unies le 11 mai 1949.

[7] La loi du retour votée en 1950 par le Parlement israélien garantit à tout Juif le droit d’immigrer en Israël.

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