Netanyahu est au pouvoir depuis de longues années. Sans faire l’unanimité, son bilan n’est généralement pas jugé médiocre. Nombre d’observateurs reconnaissent que la bonne santé de l’économie israélienne lui doit beaucoup. Sur le plan diplomatique il a adopté une posture prudente dans le conflit israélo-arabe, plaidant pour un État palestinien vivant côte à côte avec Israël. C’est sous sa gouvernance qu’ont eu lieu les rapprochements avec les Émirats arabes unis, le Maroc, l’Arabie saoudite et d’autres régimes autrefois hostiles. Les relations avec les États-Unis ont connu des tensions durant la présidence Obama, dont la position envers Israël a pu sembler ambivalente en raison de la proximité du président avec un mentor accusé d’antisémitisme.
Depuis des années la droite israélienne reproche à la Cour suprême de bloquer certaines lois pour des motifs perçus comme idéologiques plus que juridiques. Il est vrai que cette Cour agit parfois comme un acteur politique, avec un mode de nomination des juges à la transparence contestable. Certains gouvernements ont même renoncé à présenter des projets de loi, anticipant leur invalidation par les juges.
Netanyahu jouit d’une popularité durable. Il remporte sans cesse les élections internes du Likoud, ainsi qu’une majorité des élections législatives. Il convient de souligner que personne ne met en cause la régularité de ces scrutins.
Face à cette longévité exceptionnelle, une forme d’exaspération s’est manifestée dès 2015, aussi bien chez ses rivaux que chez certains de ses alliés. Un pacte informel s’est formé contre lui, regroupant des forces politiques, médiatiques et judiciaires pourtant antagonistes, unies uniquement par leur volonté de l’évincer.
D’importants moyens ont été déployés pour tenter de l’impliquer dans des affaires judiciaires, au prix d’intimidations de témoins, de procédures musclées, d’écoutes téléphoniques et d’investigations tous azimuts. Le coût de cette traque est considérable, avec pour objectif de créer un climat propice à sa démission.
Récemment, l’une des principales accusations, celle de corruption, a été invalidée par les trois juges en charge de son procès. Ils ont estimé que cette charge n’était pas tenable. Interrogé ensuite, le chef de la police a reconnu que l’inculpation pour corruption reposait plutôt sur l’espoir que Netanyahu démissionne que sur celui d’une condamnation effective.
Un autre volet de l’affaire concerne les cadeaux offerts par le producteur de cinéma Arnon Milchan – cigares, champagne et autres – mais l’enquête a conclu à une relation amicale authentique entre les deux hommes, sans élément pénal constitué.
Quant à l’affaire des sous-marins vendus à l’Égypte par l’Allemagne, aucune enquête n’a été ouverte à l’encontre de Netanyahu. Enfin, l’hypothèse d’une entente avec le directeur du quotidien Yediot Aharonot n’a donné lieu à ce jour à aucune suite.
Même si certains aspects de son comportement peuvent être jugés discutables d’un point de vue éthique, Netanyahu ne fait à ce jour l’objet d’aucune condamnation, et au fil du temps, la probabilité d’une issue judiciaire majeure semble s’amenuiser.
Ces affaires ont contribué à fracturer l’électorat de droite, poussant certains à soutenir des coalitions excluant le Likoud, pourtant première force politique du pays. De là sont issues deux expériences gouvernementales bancales : en 2021, celle de Naftali Bennett, composée d’islamistes, de gauchistes, de centristes et de sionistes religieux ; en 2022, celle montée par Netanyahu, regroupant des ultraorthodoxes fanatiques et des extrémistes nationalistes.
Un consensus existe pourtant dans l’opinion publique en faveur d’une réforme du système judiciaire. Mais celle que porte le gouvernement actuel a été précipitée, mal conçue, mal expliquée, et sans doute excessive. La hâte avec laquelle elle a été soumise à la Knesset est en soi problématique. Si le Likoud a initié cette réforme dans un esprit institutionnel, certains de ses partenaires y ont vu une opportunité pour faire avancer des agendas sectoriels.
La réforme vise entre autres à réformer la procédure de nomination des juges, dans un souci de meilleure représentativité. Elle entend également renforcer l’ancrage de l’État dans l’esprit de la Déclaration d’Indépendance, qui proclame Israël comme État juif. Le régime israélien est démocratique, mais sa démocratie ne peut être détachée de l’histoire du peuple juif.
La Cour suprême doit se contenter de dire le droit, et non pas de définir les valeurs sociétales. L’évolution des mœurs et les mutations sociologiques relèvent de la souveraineté populaire, incarnée par la Knesset. Les juges ne peuvent s’y substituer.
La seule issue raisonnable à la crise passe par la formation d’une nouvelle coalition rassemblant le Likoud et les forces qui, bien que proches idéologiquement, se sont employées à écarter Netanyahu.