Déterminisme

Le déterminisme est une théorie philosophique selon laquelle chaque événement, en vertu du principe de causalité, est déterminé par les événements passés conformément aux lois de la nature.[1]

Barukh Spinoza[2] : « ceux qui croient qu’ils peuvent parler, se taire, en un mot, agir, en vertu d’une libre décision de l’âme, c’est qu’ils rêvent les yeux ouverts »[3].

Karl Popper[4] : « Le déterminisme physique est une théorie telle que, si elle est vraie, il est impossible d’argumenter en sa faveur, puisqu’elle doit expliquer toutes nos réactions, y compris celles que nous tenons pour des raisons fondées sur des arguments, comme étant dues à des conditions physiques.[5] »

Moïse Maïmonide[6] : « L’homme est responsable de lui-même et ne peut se retrancher derrière un quelconque déterminisme. En naissant, il est similaire à un animal et bien qu’il en diffère déjà par l’esprit, il n’est homme qu’en puissance et ne devient pleinement humain que dans la mesure où il transforme ce potentiel en réalité[7]

Jean-Paul Sartre[8] :  tout homme qui invente un déterminisme est un homme de mauvaise foi ». On peut toujours faire quelque chose de ce qu’on a fait de nous[9].

Yeshayahu Leibowitz[10] :« Une pierre placée dans un champ gravitationnel doit nécessairement tomber. De l’eau portée à une température de 100 °C doit nécessairement bouillir. Mais il n’est jamais nécessaire pour un être humain de faire une chose particulière, et ceci quelle que soit la situation où il se trouve. Il peut toujours faire le contraire. C’est vrai de tout homme, de tout groupe humain et de toute réalité sociale et politique ». [11]

Hannah Arendt[12] : La volonté est la seule chose qui ne peut avoir de cause antérieure à elle. Quelle pourrait être la cause de la volonté avant la volonté ? Car soit la volonté est sa propre cause soit elle n’est pas volonté. Il y a quelque chose en l’homme qui peut dire oui ou non aux préceptes de la raison, donc que le fait que je cède à mon désir n’est déclenché ni par l’ignorance ni par la faiblesse, mais par ma volonté, à savoir une troisième faculté[13].

[1] Wikipedia.

[2] Philosophe hollandais du XVIIe siècle issu d’une famille juive marrane.

[3] L’Éthique, Spinoza

[4] Philosophe des sciences d’origine juive, né en Autriche et mort en 1994 à Londres.

[5] « Of Clouds and Clocks », Karl Popper, 1966.

[6] Talmudiste, commentateur de la Mishna, jurisconsulte et décisionnaire du Moyen Âge.

[7] Leibowitz, Entretiens à propos des Huit Chapitres de Maïmonide.

[8] Philosophe et écrivain français.

[9] Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme.

[10] Scientifique, philosophe et moraliste de culture allemande. Rédacteur en chef de l’Encyclopaedia Hebraïca

[11] Leibowitz et alii, Peuple, Terre et État, Paris, Éditions Plon, 1995

[12] Politologue et philosophe allemande. Disciple de Heidegger

[13] Considérations morales, 1970, trad. Marc Ducassou, Paris, Rivages-Poche, 1996.

Présidence d’Israël et présomption d’innocence.

Reuven Rivlin, Président d’Israël, a confié la tâche de former un gouvernement à l’élu qui, conformément à l’usage, a recueilli le plus de recommandations de la part des partis siégeant à la Knesset. Mais il a assorti son annonce d’un commentaire malveillant, déplacé et indigne de sa fonction: « ce n’est pas une décision facile pour moi sur une base à la fois morale et éthique », a-t-il indiqué.

Rivlin faisait allusion à son hostilité au député en question sous prétexte qu’il était poursuivi  par la justice. Prétexte, parce qu’il s’agit en réalité d’une animosité datant d’avant les démêlés judiciaires de ce rival. Pour mémoire, les onze juges de la Cour Suprême ayant examiné la question ont estimé à l’unanimité que rien ne s’opposait à l’exercice de la fonction de premier ministre par une personne inculpée mais pas condamnée.

C’est ainsi que le Président Rivlin, premier personnage de l’Etat, se permet de fouler aux pieds la présomption d’innocence. Peut-être a-t-il oublié que pour sa part il ne s’est pas gêné  naguère de fustiger l’institution judiciaire quand lui-même était sous investigation et qu’il estimait être malmené.

Au début des années 2000,  Rivlin faisait l’objet d’une série d’enquêtes, entre autres mettant en cause sa relation avec David Appel, entrepreneur en bâtiment et soutien du Likoud. La police soupçonnait Rivlin, alors avocat et homme politique influent, d’avoir reçu des « faveurs » de cet entrepreneur, qui par ailleurs avait déjà eu maille à partir avec la justice. Une décennie plus tard l’ami de Rivlin était condamné pour corruption dans le cadre d’une autre affaire.

Au bout de plusieurs années de procédure, les sept dossiers mettant Rivlin en cause furent classés sans suite, et ceci contre l’avis de la police qui recommandait pourtant de le traduire en justice sur base de l’un de ces dossiers. En apprenant l’heureux dénouement, Rivlin a néanmoins qualifié le système judiciaire de « pervers », et s’est plaint de ce que ni  lui ni ses proches ne se remettraient jamais du temps perdu. Il a notamment accusé la police de s’être contentée de l’interroger durant  onze heures, et d’avoir ensuite mis plus de trois ans à rendre publiques ses conclusions, ce qui a donné libre cours à une campagne médiatique entachée de fausses rumeurs.

« והמבין יבין  », dit-on en hébreu , ce qui en français donne à peu près « et celui qui comprend comprendra ».

 

Don Juan ou la naissance de l’homme sans maître

L’origine du mythe de Don Juan se trouve dans Le Trompeur de Séville, une pièce écrite au début du XVIIᵉ siècle par Tirso de Molina, moine et dramaturge espagnol. Chez lui, le libertinage n’est qu’une figure de la perdition : Don Juan passe sa vie à blasphémer et à séduire, mais finit, au seuil de la mort, par se repentir. Il implore l’absolution avant d’expirer. La structure morale est celle du péché, de la faute, du pardon : la transgression n’est tolérable qu’à condition d’être rachetée. L’œuvre repose sur une idée fondatrice du christianisme : la toute-puissance du Jugement, auquel nul, même le plus endurci des pêcheurs, n’échappe.

Mais le Don Juan de Molière et celui de Mozart inaugurent une rupture. Le personnage cesse d’être un coupable rédimé ; il devient un insoumis. Il n’est plus l’homme qui faute et se repent ; il est celui qui refuse jusqu’à l’idée même de faute. Libertin dans l’acception du XVIIᵉ siècle, il est libre penseur, sceptique, matérialiste, rejetant aussi bien l’autorité divine que l’ordre social.

Ce Don Juan n’est pas un simple débauché : il incarne une contestation radicale de l’autorité. Il refuse non seulement Dieu, mais aussi la société qui l’a institué. Il n’y a pas, dans son attitude, une simple indifférence ; il y a une négation active. L’idée même de remords lui est étrangère. Il ne croit ni en l’existence du péché, ni en la nécessité d’une rédemption. À cet égard, il est un précurseur de l’homme moderne : celui qui ne se pense plus sous le regard de Dieu, mais dans la lumière âpre de son désir et de sa volonté propres.

La promesse de mariage est, chez lui, un outil de séduction cynique mais révélateur. Là où les femmes voient dans l’alliance un accomplissement, une protection, une légitimité, Don Juan ne voit qu’un instrument pour parvenir à ses fins. La supercherie est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur l’aveuglement volontaire de ses victimes : ce n’est pas tant lui qu’elles aiment, c’est ce qu’il promet. Il met à nu leur propre soumission au mythe social du mariage, leur dépendance à l’égard d’une reconnaissance extérieure.

Pour le dire de manière crue : Don Juan promet le mariage pour obtenir le plaisir ; ses victimes cèdent au plaisir dans l’espoir du mariage. Il retourne contre elles leur propre fantasme d’ascension ou de stabilité sociale.

Elvire, figure emblématique de cette mécanique, incarne la tragédie de ce mirage. Cloîtrée dans un couvent, préparée à entrer dans un mariage arrangé, elle cède aux promesses de Don Juan et le suit. Il l’épouse, mais l’abandonne aussitôt, fidèle à lui-même. Le scandale est double : non seulement il séduit et abandonne, mais il révèle, sans pitié, l’inconsistance du système qui l’entourait.

Poursuivi, traqué, menacé, Don Juan ne fléchit pas. Ni son père, ni son valet, ni les figures d’autorité ne parviennent à infléchir sa trajectoire. Il reste jusqu’au bout dans la fidélité à sa propre nature. Il ne s’excuse pas ; il n’implore pas le pardon. Il va jusqu’au bout de sa logique : vivre, jouir, défier.

Ainsi Don Juan, chez Molière et chez Mozart, ne meurt pas par excès de faute, mais par excès de fidélité à lui-même. Il assume seul la conséquence de son choix : vivre sans Dieu, sans loi, sans autre maître que son propre désir. Sa mort est moins un châtiment qu’une consécration : il meurt comme il a vécu, en défiant tout pouvoir qui prétendait le juger.

En cela, Don Juan est un personnage proprement moderne. Il annonce la figure du surhomme nietzschéen : non parce qu’il accomplit des exploits, mais parce qu’il affirme, dans une solitude totale, sa propre souveraineté. Il refuse la soumission, l’humiliation, la repentance. Son destin est tragique, non par échec, mais par fidélité : il paie de sa vie la liberté qu’il a conquise.

À travers Don Juan, c’est tout un monde ancien qui vacille. La promesse d’un salut garanti, l’idée d’un ordre supérieur auquel chacun devrait se soumettre, la croyance dans un au-delà rédempteur : tout cela est nié par la simple existence d’un homme qui choisit de vivre jusqu’à se consumer, sans autre guide que son propre plaisir.

Don Juan meurt non par accident, mais par cohérence. Il n’a pas vécu pour expier ; il est mort pour avoir pleinement vécu.

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