La famine introuvable à Gaza : essai sur une désinformation humanitaire.

Depuis plusieurs mois, une accusation grave circule avec une régularité mécanique : Israël affamerait la population civile de Gaza. Cette accusation, reprise en boucle par des médias occidentaux, relayée sans nuance par des ONG comme Amnesty International, Médecins Sans Frontières, Oxfam ou encore Save the Children, et amplifiée par des agences onusiennes, prétend que l’État hébreu serait coupable de provoquer une famine de masse, voire d’exercer une forme de « génocide par la faim ». Or, lorsqu’on examine les faits, les chiffres, les sources et les mécanismes de cette rhétorique  on découvre non seulement les déformations, mais aussi une stratégie de désinformation, dans laquelle certaines organisations censées défendre le droit humanitaire jouent un rôle de caisse de résonance idéologique. À la pointe de cette critique, la juriste britannique Natasha Hausdorff, membre de UK Lawyers for Israel et spécialiste du droit international, démonte pièce par pièce ce narratif , et révèle comment la machine internationale du mensonge humanitaire s’emploie à fabriquer une réalité de toutes pièces¹.

Tout d’abord, il convient de rappeler que la famine, au sens propre, ne se déclare pas en silence. Une véritable famine — comme celles qui ont frappé l’Éthiopie dans les années 1980 ou le Yémen plus récemment — se traduit par une multiplication rapide des décès dus à la malnutrition sévère, par la présence massive d’enfants décharnés, par la saturation des hôpitaux, par la disparition des stocks alimentaires élémentaires, par des scènes insoutenables que même les journalistes les plus aguerris ne peuvent ignorer. Or, dans le cas de Gaza, malgré les alertes lancées à intervalle régulier depuis l’automne 2023, aucun reportage crédible ne montre une telle situation. Aucun médecin indépendant ne témoigne d’un afflux de cadavres d’enfants morts de faim. Aucune organisation neutre n’a pu produire une enquête sérieuse, fondée sur des données vérifiables, documentant l’apparition d’une famine. On assiste plutôt à une inflation de rapports fondés sur des hypothèses, des extrapolations ou des déclarations anonymes attribuées à des « travailleurs humanitaires sur le terrain ». L’écart entre le discours et les faits, entre le récit et la réalité, est considérable².

Natasha Hausdorff insiste : ce système repose sur une inversion de la charge de la preuve. Ce n’est plus aux accusateurs de démontrer que la famine existe, mais à Israël de prouver qu’elle n’existe pas. Or, cette inversion permet de faire passer des récits pour des faits et des impressions pour des réalités. Plus grave encore, elle s’appuie sur des chiffres produits ou validés par le Hamas lui-même, ou par des agences travaillant en collaboration avec lui. Le ministère de la santé du Hamas, qui contrôle l’ensemble de la chaîne de l’information à Gaza, fournit des bilans quotidiens qui sont acceptés sans la moindre vérification critique par les Nations unies, puis repris tels quels par les médias³. C’est un circuit fermé, dans lequel des données invérifiables deviennent des vérités officielles. La déclaration de la FAO et de l’UNICEF en mars 2024, qui évoquait la mort par faim de plusieurs enfants dans le nord de Gaza, en est un exemple frappant : ni les noms, ni les lieux, ni les causes médicales de ces décès n’ont été confirmés⁴. Et lorsque l’on demande des précisions, les agences se retranchent derrière « le manque d’accès humanitaire » — qui leur permet de parler sans jamais avoir à prouver.

Pourtant, ce manque d’accès n’est pas du fait d’Israël. Chaque jour, des centaines de camions d’aide humanitaire sont autorisés à entrer dans Gaza par les points de passage de Kerem Shalom et Rafah. Israël travaille en coordination avec les États-Unis, l’Égypte, les Émirats arabes unis et d’autres acteurs régionaux pour acheminer des vivres, du carburant, des médicaments, de l’eau potable, du lait infantile. Ce que les ONG ne disent pas, c’est que cette aide est détournée, accaparée ou même revendue par le Hamas⁵. Plusieurs journalistes arabes, y compris du monde musulman, ont documenté l’existence d’un marché noir du pain, du riz et du sucre, organisé par les hommes de main du Hamas⁶. Des entrepôts pleins à ras bords sont parfois découverts à quelques centaines de mètres seulement de zones prétendument affamées. Hausdorff note que le Hamas a intérêt à maintenir un niveau élevé de souffrance visible : il s’agit d’un levier de pression politique et médiatique sur Israël. Le peuple de Gaza est ainsi pris en otage par ceux qui prétendent le représenter. La véritable stratégie de la famine, c’est le Hamas qui l’exerce contre sa propre population, en créant artificiellement des pénuries.

Il faut d’ailleurs ajouter un élément essentiel, occulté par les accusations médiatiques : même dans les périodes où Israël a suspendu ou réduit le flux de l’aide humanitaire — notamment pour des raisons de sécurité, à la suite d’attaques contre ses propres convois ou infrastructures — cette suspension n’a jamais provoqué de rupture d’approvisionnement pour la population civile. Et pour cause : les mois précédents avaient vu passer des milliers de camions chargés de vivres, de farine, de denrées non périssables et de matériel médical. Les quantités livrées dépassaient largement les besoins quotidiens de la population. De nombreuses sources, y compris américaines, ont confirmé que ces livraisons massives ont permis de constituer des stocks importants, entreposés par le Hamas dans des hangars sécurisés — non pas pour les distribuer à la population, mais pour les écouler au compte-goutte, dans un marché contrôlé par l’organisation⁷. L’existence de ces réserves démontre que la soi-disant famine ne résulte pas d’une disette, mais d’une gestion criminelle de l’aide par une entité terroriste qui instrumentalise la faim pour renforcer son contrôle.

Il serait naïf de croire que ces dérives sont purement techniques ou qu’elles relèvent de l’improvisation conjoncturelle. Ce qui se joue ici est plus profond : une configuration idéologique, fondée sur des archétypes anciens, où l’on retrouve la vieille figure du Juif affameur, cruel, sans pitié, accusé de s’enrichir ou de se nourrir sur la souffrance des innocents. Les accusations de famine provoquée par Israël s’inscrivent dans cette continuité symbolique. Elles réveillent les mythes médiévaux du meurtre rituel, selon lesquels les Juifs tuaient des enfants chrétiens pour en recueillir le sang, prétendument utilisé dans la fabrication du pain azyme. Ce fantasme, répandu en Europe dès le XIIe siècle, a justifié d’innombrables pogroms. Aujourd’hui, il ressurgit sous une forme actualisée: on ne parle plus de sang dans le pain, mais de malnutrition, de bébés palestiniens affamés, d’enfants privés de lait par la faute d’Israël.

Cette rhétorique s’active dans les profondeurs d’un imaginaire collectif où le Juif est l’oppresseur même quand il est attaqué. Dans ce dispositif, les ONG prétendument neutres jouent un rôle central. Certaines d’entre elles, comme Amnesty International, ont des biais persistants contre Israël, font silence sur les crimes du Hamas et rechignent à nommer le terrorisme islamiste pour ce qu’il est. L’UNRWA est allée plus loin encore en intégrant dans ses rangs des collaborateurs du Hamas, et en conservant dans ses écoles des manuels niant l’existence d’Israël et glorifiant la « résistance armée »¹¹. L’indignation sélective dont ces institutions font preuve — promptes à dénoncer une famine imaginaire, mais silencieuses sur les otages israéliens, sur les viols du 7 octobre ou sur la terreur imposée par le Hamas à sa propre population — en dit long sur la nature idéologique du système.

Cette attitude relève d’une forme de préjugé moral structurel. Dans la nouvelle grammaire des droits de l’homme, Israël est le seul État juif au monde, donc le seul coupable possible, et les Palestiniens, en tant que peuple perçu comme opprimé, ont tous les droits. C’est pourquoi le récit de la « famine à Gaza » séduit de chancelleries, d’universitaires, d’activistes : il permet de rejouer, dans un langage contemporain, un vieux scénario accusatoire, qui inverse les rôles et fait des descendants des persécutés les nouveaux bourreaux. Il s’agit là  d’un ressort idéologique puissant, qui dépasse les frontières politiques et qui contamine le discours humanitaire lui-même.

Il est d’ailleurs significatif que les accusations de famine s’accompagnent, de plus en plus souvent, d’un usage abusif du mot « génocide ». Or, là encore, il s’agit d’une inversion intégrale des responsabilités. Le seul génocide avéré dans cette séquence de guerre est celui que le Hamas a tenté de déclencher le 7 octobre 2023 : massacre méthodique de civils, viols collectifs, incendies, meurtres de masse à l’arme blanche, assassinat d’enfants, prise d’otages. Ces crimes relèvent explicitement de la définition du génocide telle que formulée par la Convention de 1948. Et pourtant, dans un renversement moral vertigineux, c’est l’État attaqué, Israël, qui se trouve accusé d’extermination.

Mais l’instrumentalisation du mot « génocide » ne repose pas uniquement sur la falsification des intentions ; elle s’appuie aussi sur une fabrication délibérée de la souffrance. En organisant la pénurie alimentaire, en accaparant les stocks, en empêchant les livraisons, en attaquant les convois, le Hamas participe activement à une stratégie de famine dirigée contre sa propre population, dans le but explicite de nourrir la machine accusatoire. Il ne cherche pas à sauver des vies à Gaza, mais à en sacrifier suffisamment pour construire un récit d’extermination. Le génocide dont il est question n’est pas commis par Israël contre les Gazaouis, mais bien par le Hamas contre les Gazaouis, pour faire condamner Israël aux yeux du monde.

Ce n’est pas nier les souffrances des gazaouis que de dénoncer ce mensonge. C’est au contraire leur rendre justice que de refuser que leur misère soit exploitée à des fins idéologiques. La compassion ne doit pas aveugler le jugement. En reprenant à leur compte des récits non vérifiés, certains journalistes, diplomates et responsables humanitaires deviennent les relais d’une guerre de l’information qui vise moins à soulager les victimes qu’à désigner un coupable commode. Israël, dans cette mise en scène, est sommé de répondre non à ce qu’il fait, mais à ce que l’on dit qu’il fait.

Le courage de figures comme Natasha Hausdorff consiste à briser ce consensus de façade. En rappelant le droit, en exigeant des preuves, en appelant à la lucidité face aux distorsions de langage, elle remet de la rationalité dans un débat saturé d’émotion. Accuser Israël de provoquer une famine, sans documents ni constatations sur le terrain, revient à faire de l’accusation elle-même un instrument de guerre. Cette guerre ne se joue pas seulement sur les champs de bataille : elle se joue aussi dans les têtes, dans les forums internationaux, dans les colonnes des journaux. Et c’est une guerre où les mots, plus que les armes, peuvent tuer une légitimité.

Notes

  1. GB News, Natasha Hausdorff, 18 mars 2024 : « There is no famine in Gaza, the narrative is a lie. »
  2. Famine Early Warning Systems Network (FEWS NET), rapport d’avril 2024.
  3. NGO Monitor, mars 2024 : « Hamas Health Ministry Data Unverifiable and Unreliable ».
  4. FAO–UNICEF–WFP, communiqué du 18 mars 2024.
  5. Coordination of Government Activities in the Territories (COGAT) : https://www.cogat.mod.gov.il
  6. Sky News Arabia, reportage du 4 avril 2024.
  7. The Jewish Chronicle, Natasha Hausdorff, 26 mars 2024 ; USAID, rapport d’avril 2024.
  8. UN Watch, rapport de février 2022 sur Amnesty.
  9. Philippe Karsenty, dossier Al-Dura, 2000–2008.
  10. Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center, août 2014.
  11. Center for Near East Policy Research, janvier 2024 ; Wall Street Journal, 29 janvier 2024.
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