Mélenchon, Goebbels, même combat ?

En janvier 2017, l’historien Georges Bensoussan est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris pour « incitation à la haine raciale ». Alain Jakubowicz, alors président de la Licra, choisit de se joindre à plusieurs organisations antisémites en se portant partie civile contre lui. Bensoussan, dont l’œuvre est consacrée à la vérité historique, à la mémoire de la Shoah et à la dénonciation de l’antisémitisme islamique, sera relaxé à tous les niveaux de juridiction — première instance, appel, cassation. Jakubowicz n’a jamais reconnu sa faute et maintient jusqu’à ce jour qu’il avait eu raison d’accabler Bensoussan, et persiste à le faire savoir  à l’occasion.

Mais cette fois-ci, Jakubowicz a vu clair. Lors d’une émission sur BFMTV, il a fait une comparaison pointue : « Toutes proportions gardées, je vois un parallèle entre Mélenchon et Goebbels, le ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande. » Ce propos a déclenché l’ire des commentateurs professionnels, mais en réalité, Jakubowicz n’a ni déliré ni exagéré. Il a vu, perçu, compris, et reconnu dans la rhétorique de Mélenchon un registre de communication qui évoque celui du maître de la propagande nazie : le rapport à la vérité, à l’émotion, au peuple, à l’ennemi, à la presse, aux Juifs.

Jakubowicz a été l’avocat de parties civiles lors de procès contre des nazis. Il connaît de l’intérieur les discours, les tactiques, les procédés utilisés par les architectes de leur propagande. Lorsqu’il évoque Goebbels c’est pour relever une structure de langage, un mécanisme de captation mentale qu’il a appris des archives et dans les audiences.

Mélenchon n’est pas un criminel avéré et le parallèle de Jakubowicz ne constitue pas une équivalence morale. Il s’agit d’une parenté de formes. Goebbels a pensé une propagande fondée non sur la raison, mais sur le conditionnement. Répéter. Simplifier. Émouvoir. Focaliser la haine. Il ne s’agissait pas de convaincre, mais d’hypnotiser. Pas d’éclairer un peuple, mais de le fanatiser. L’opinion publique devient manipulable à partir du moment où l’on active les bons leviers : l’indignation, la peur, la certitude. Le mensonge devient arme, l’image du chef devient dogme, l’ennemi absolu devient obsession. Ce dispositif n’exige pas de police politique : une parole unique, martelée, obsessionnelle suffit. Une parole qui enserre, qui couvre les objections par sa seule intensité.

C’est ce que fait Jean-Luc Mélenchon. Il harangue. Il accuse. Il purge. Il façonne un noyau militant en lui imposant une vision binaire du monde : les dominés et les oppresseurs ; les purs et les traîtres ; les justes et les ennemis du peuple. Le pluralisme ? Un luxe bourgeois. L’esprit critique ? Une trahison. Ce qu’il faut, c’est un peuple homogène, fusionnel, rassemblé autour de lui. Ceux qui s’en détachent sont mis à l’écart, invisibilisés, bannis. L’opposition interne à LFI devient une faute morale. Le désaccord est une impureté. C’est ce que Goebbels appelait « l’unité organique du mouvement ».

Et puis il y a la question juive. Chez Mélenchon, elle ne revient jamais frontalement, mais toujours perfidement. C’est le vieil antisémitisme de droite, celui du sang et du sol, recyclé dans les habits d’un antisionisme de gauche. C’est rusé, insidieux, efficace. Mélenchon ne s’attaque pas directement aux Juifs, mais s’en prend à ce qu’ils représentent : leur mémoire, leur vigilance, leur capacité à dire non. Il attaque leurs institutions, leurs représentants, leur légitimité à exister en tant que collectif. Il parle de « lobby sioniste », de « groupe de pression », de « communautarisme ». Tout cela, bien entendu, au nom de la Palestine, qu’il instrumentalise comme une caution morale à sa haine masquée.

Tout ce qui porte un nom juif ou évoque la mémoire de la Shoah devient suspect. Toute dénonciation de l’antisémitisme est retournée comme une tentative de censure. Toute voix juive qui ne se soumet pas à l’orthodoxie mélenchonienne est perçue comme une courroie de transmission du pouvoir. Ce n’est pas une incitation au meurtre : c’est une préparation à l’indifférence. Une acclimatation à la haine. Une manière de rendre l’inacceptable tolérable. Goebbels, lui aussi, présentait la haine des Juifs comme une posture politique « défensive », « légitime », « réactive ». Mélenchon reprend ce schéma. Les mots changent. Le ton change. La structure reste.

La rhétorique de Jean-Luc Mélenchon est fascisante parce qu’elle utilise les mêmes ressorts : la violence symbolique, l’adoration du chef, la posture victimaire, la haine de l’ennemi intérieur, le mépris des contre-pouvoirs, le mensonge comme méthode, l’esthétique de la rupture permanente. Tout y est. C’est cela que Jakubowicz a voulu désigner. Il n’a pas dit que Mélenchon était Goebbels. Il a dit : regardez à quoi cela ressemble. Regardez ce que cela engendre. Regardez ce que cela détruit.

Le discours de Mélenchon est une machine de guerre contre la démocratie. Une machine huilée, implacable, séduisante. Une machine qui joue des émotions comme d’un clavier, qui ment avec aplomb, qui divise avec rigueur. Une machine dangereuse.

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